Avant la prestation de Rivers of Nihil, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec Adam Biggs, membre du groupe. Bassiste à l’origine, il en est maintenant le chanteur principal en ce qui concerne surtout la voix plus death métallique. Ce groupe américain était en fin de tournée et malgré la fatigue évidente d’une dernière boucle à boucler, Adam était en grande forme. Nous sommes allés nous installer dans la loge du groupe, sur le côté de la scène du Fairmount, derrière les rideaux, pour pouvoir discuter… malgré les tests de son de Glacial Tomb qui vargeait à tout rompre. Par contre, la qualité exquise de mon iPhone fait que le tout était bien audible, par la suite. Donc, entrevue avec Adam Biggs, bassiste et chanteur chez Rivers of Nihil.   

Il ne reste que deux dates sur la tournée. Montréal et Toronto. C’est la fin, content de ce périple et d’être ici, à Montréal?

Oui, j’aime bien Montréal. C’est… c’est vraiment… Tu sais, on dirait que t’es ailleurs, comme en Europe, sans même avoir à prendre l’avion. C’est un endroit super, avec des fans de metal très enthousiastes. Il y a beaucoup d’histoire ici, liée à ce qu’on fait. Et tu le ressens vraiment quand tu joues. C’est génial.

Est-ce que c’est la première fois que vous êtes en tête d’affiche à Montréal? Parce que j’ai vu Rivers of Nihil plusieurs fois, mais toujours en première partie.

Je crois que non. On a fait beaucoup de shows, depuis des années. Mais… Ouais non, c’est sûr, on a déjà été tête d’affiche ici, je pense… au moins deux fois. Mais ça fait un moment.

Votre nouvel album, Rivers of Nihil, porte le nom du groupe. Il y a même une chanson avec ce titre. Pourquoi maintenant?

Plusieurs raisons, en fait. Déjà, après notre dernier album… On avait cette tétralogie des saisons. Ce nom-là ne vient pas de moi, mais chaque album représentait une saison : printemps, été, automne, hiver. Et pendant tout ce temps, on me posait souvent la question : « Qu’est-ce que vous allez faire après ça? C’est quoi le prochain concept? » Pour moi, ce concept des saisons, c’était surtout une métaphore. Une façon de représenter un groupe de jeunes musiciens en train de trouver leur son et leur place dans le monde de la musique. Et donc, je me suis dit qu’à la fin de ça, ce serait logique de sortir un album éponyme. Un peu comme une renaissance. Un nouveau départ. C’était une manière de dire : « Voici le vrai point de départ. » Et ensuite, avec les changements dans le line-up, ça a pris encore plus de sens. C’était important pour nous de réaffirmer notre identité, de rassurer les gens : « C’est toujours nous. » La même passion, la même envie de créer cette musique.

J’ai l’impression que vous avez tout remis à zéro.

Oui. C’est une toute nouvelle incarnation du groupe.

Il y a une nouvelle personne, plus de voix claires, un peu de banjo, plus de saxophone… Vous ne vous imposez aucune limite. Vous suivez juste votre inspiration.

Exactement. On aborde chaque projet comme une entité à part entière. Chaque instrument, chaque ajout est là pour renforcer ce qu’on veut exprimer. Et oui, il y a une sorte de nouvelle page blanche. Le nom a été « brassé » pendant un certain temps, donc c’était le bon moment pour recommencer.

Et maintenant, les réactions du public et des journalistes sont incroyables. J’étais dans ma boutique de disques préférée, Freeson. C’est un vrai repère pour fans de metal, et tout le monde parlait de votre album dans le magasin. C’est un nouveau groupe… mais pas vraiment. Est-ce que vous sentez un vent de changement? Que vous pourriez attirer un nouveau public?

C’est l’idée. Quand on essaie de faire carrière dans la musique aujourd’hui, on espère toujours toucher de plus en plus de monde. Mais ce n’est pas comme si on s’était dit : « Tiens, mettons plus de voix claires pour élargir l’audience. » Non. On veut juste faire un album de qualité, qui va durer dans le temps. Et si tu y arrives, les gens finissent par venir naturellement.

Est-ce que tu te sens à l’aise en tant que chanteur principal maintenant? Ou tu te sens encore un peu timide et tu te dis : « Je vais grandir là-dedans »?

Ça dépend des jours. Remplacer le chanteur d’un groupe, c’est jamais simple. Les fans sont habitués à une voix, à un style. Parfois ça marche super bien. Regarde Cannibal Corpse : George Fisher a remplacé le gars qui a inventé le style, et maintenant on ne peut plus imaginer le groupe sans lui. Et d’autres fois, même si ça fonctionne, ce n’est pas toujours bien reçu, comme Van Halen ou Genesis. Il y a toujours des comparaisons. Pour moi, c’était juste une tâche de plus à accomplir. Pas une question d’ego ou de confiance. Il fallait que quelqu’un le fasse, et j’étais le seul gars de confiance à ce moment-là.

Comme Phil Collins! Et c’est mieux d’être Sammy Hagar que Gary Cherone!

Hahha! Oui. Gary est super talentueux, mais il n’a pas eu de chance. À l’époque, Jake (Dieffenbach, chanteur précédent) a été retiré du groupe, et on a dû réagir vite. On était en tournée et on a appris qu’il ne viendrait pas. Pas le temps de chercher un remplaçant. Donc c’est tombé sur moi.

Et il faut aussi bien s’entendre avec le nouveau dans le bus de tournée! En préparant l’entrevue, je voulais parler des paroles, mais… honnêtement, cet album m’a renversé. On reçoit tellement de nouveaux trucs, souvent oubliables… mais celui-là, pour moi, c’est l’album de l’année. Mais c’est beaucoup de pression, non?

Peut-être… Je ne sais pas. C’est flatteur. C’est gratifiant. Mais en même temps, on a juste fait de notre mieux. On a fait ce qu’on voulait faire. Et si tu suis ton instinct, tu obtiens ce que tu mérites. Si les gens aiment vraiment, tant mieux. Et oui, on a traversé beaucoup de choses pour en arriver là. Tu peux le sentir dans l’album, je pense.

C’est un album qu’on vit. Et une vraie expérience. Avec toutes ces couches, toutes ces expérimentations… un peu de death metal, des trucs étranges. C’était quoi l’expérience que vous vouliez offrir à l’auditeur?

Je pense que… tout est compliqué. Pour nous, chaque album, c’est tout! Je ne suis pas du genre à m’exposer partout sur les réseaux ou à multiplier les projets. C’est notre manière de dire où on en est. Le monde est vaste, compliqué et foutu. Les gens, les lieux, tout. Et la musique reflète ça.

J’ai regardé la pochette, et j’ai eu l’impression que ça représentait « la maison de la lumière » (House of Light, nom d’une chanson)

Oui. Si une chanson devait illustrer cette pochette, ce serait celle-là. Mais chaque morceau explore une forme de lumière et d’obscurité. Et comment les gens – moi inclus – interagissent avec ça. Ce qu’on fait, c’est parfois très sombre. Et même si ça peut être le fun… à force, ça use.

Tu dis que le monde est « foutu » en ce moment. Ce qui se passe aux États-Unis, ce n’est pas un show de télé-réalité. Et vous avez une chanson, « American Death », qui semble coller parfaitement à ça.

Ce titre, on l’avait déjà sur nos t-shirts en 2013. Une statue de la liberté zombie, des tanks… très caricatural. Et ça disait « American Death » en gros. Des vétérans sont déjà venus me voir, agressifs, en mode « Qu’est-ce que ça veut dire?! » Et je leur disais : Ce n’est pas « mort à l’Amérique », c’est plus nuancé. La chanson a un ton ironique. Le monde politique aux États-Unis, c’est devenu un cirque absurde. Les gens oublient vite, sont ignorants, suivent leur « camp » sans réfléchir aux conséquences pour eux ou leur pays. C’est une satire de tout ça.

Une dernière question. Vous êtes en tournée, les critiques sont excellentes… Est-ce que vous pensez devoir rejoindre une grosse tournée pour exploser encore plus, ouvrir pour un groupe majeur, ou vous êtes bien comme ça?

Bien sûr qu’on adorerait! Mais on n’a pas reçu d’appel de Mastodon, Opeth ou Meshuggah, hein! Alors on ne va pas attendre qu’un « gros groupe » nous sauve. On a créé ce truc, on veut le partager tout de suite. Si un gros groupe nous invite, tant mieux!

Ce soir au Fairmount, j’ai l’impression que c’est peut-être la dernière fois que vous jouez dans une petite salle comme ça.

On me l’a déjà dit par le passé. Moi, j’aime bien les petites salles. Je ne pense pas qu’on doive être perchés sur une scène gigantesque, inaccessible. Si c’est ça notre carrière, alors je suis bien content avec ça.

Hey, 20 minutes, pile! Super! Merci beaucoup, Adam.

Merci, Yanick!

Malgré tout le bruit.

Bah, c’est du death metal, hein!

Photo du haut : Isabelle Gerard