Parfois, il faut organiser son horaire de façon spectaculaire. Lors de la venue de Dark Angel, l’autre jour, je devais faire une entrevue avec Gene Hoglan, directement aux Foufounes Électriques mais la plage horaire offerte venait en conflit avec un truc familial, ce qui fait que cette rencontre en personne n’a pas pu arriver. Je me suis donc retrouvé en mode Zoom avec Gene Hoglan, le dimanche en après-midi, alors qu’il était à Toronto. Par contre, par un tour de rapidité, je me suis arrangé avec son gérant de tournée (et Ella Rodrigue) pour pouvoir aller prendre une photo avec Gene Hoglan, quelques secondes après les tests de son de Dark Angel, dans la ruelle, derrière les Foufs, où de nombreux badauds attendaient Hoglan, les autres membres de Dark Angel et ceux de Hirax aussi, questions de faire signer des items liés à la nostalgie métallique. Donc, voici cet entretien avec Gene Hoglan où nous jasons du nouvel album de Dark Angel en plus de la venue de Death To All! Entretien avec le batteur.  

Salut Gene. En 2025, vous sortez Extinction Level Event. Après tant d’années, Dark Angel est de retour avec cet album qui se veut, surprenant. Qu’est-ce qui vous a poussé à sortir cet album, maintenant ?

C’était essentiellement… Hum, eh bien, tu sais, pour être honnête, notre dernier album est sorti il y a 34 ans et nous ne sommes pas un groupe de nostalgie ou un “legacy act” ou peu importe ce que c’est, tu sais? C’est pour rester viable, comme nous sommes un groupe qui veut jouer, tourner, faire des concerts à travers le monde. Nous en avions besoin. C’est arrivé au point, dans la dernière décennie, où… tu sais, essayer juste de jouer du matériel qui est historique, c’était super, mais on a tellement de créativité en nous. Donc c’est comme : laissons-la sortir et avançons en tant que groupe de 2025 et non pas un groupe de 1991, 1989, 1986, 1985, tu vois? Laissons-nous être le groupe que nous sommes. Notre éthique de travail est vraiment bonne. Nous sommes là pour mettre le temps, faire le travail et faire sonner notre nouveau matériel de façon énorme en concert. Et tu sais, nos shows, comme tu l’as vu, sont très intenses. Nous ne sommes pas juste plantés là comme un vieux groupe fatigué. Ce n’est pas nous. Nous sommes là pour écraser et conquérir autant que possible. Pourquoi sortir un nouvel album? C’est surtout pour pouvoir jouer des concerts sous la thématique “Hey, il y a un nouvel album, écoutez ça!”. Je réalise qu’il y a une génération qui ne connaît pas Dark Angel. Peut-être qu’ils connaissent juste le nom.

Leur première rencontre avec Dark Angel est peut-être avec cet album.

Effectivement, leur première écoute de Dark Angel, c’est peut-être ce nouvel album. Donc c’est pourquoi j’ai toujours senti qu’on devait juste rivaliser avec Dark Angel, nous-mêmes! Mais c’est pourquoi je mets cet album face à nous, face au groupe, face à n’importe qui. Le rendre sérieux cet album, ici et maintenant, en 2025! Et j’adore notre nouvel album. Donc je suis vraiment excité à propos de ça. Nous le sommes tous, en fin de compte.

C’est un très bon album. Je l’écoutais toute la journée, hier, et j’ai vraiment apprécié le fait que vous ayez nommé tous les albums classiques de Dark Angel dans le premier couplet de la première chanson.

Oui, Extinction Level Event, en effet. Tu sais, j’ai toujours eu un peu d’humour et ceci est notre premier album après autant d’années! Je me suis dit : « Faisons un petit clin d’œil au niveau des paroles, aux concepts des quatre autres qui sont venus juste avant! ».

Le titre de l’album qu’est Extinction Level Event est très puissant et il résonne avec les temps actuels. Quel message voulez-vous transmettre avec ce disque et le nom de cet album ?

Comme tu le dis, l’album s’appelle Extinction Level Event. C’est juste un titre que j’avais en banque depuis des années et j’ai pu l’appliquer pour celui-ci. Et vraiment, tu sais, à travers le disque, il y a peut-être plusieurs thèmes apparemment apocalyptiques mais ce monde n’est pas en train de finir. Je ne crois pas que le monde va finir, que nous allons mourir dans une guerre nucléaire. Ça, c’est une peur qui est présente depuis des années. C’est très évident que le monde va mal, c’est un fait. Par contre, je ne comprends pas comment ça se fait que les gens ne voient pas les médias qui sont derrière cet appel à la finalité. Ils avaient compris ça, il y a cent ans, même plus! Et ça continue. Garder les populations dans l’anxiété en créant tellement de peur, tellement de division. Je veux dire, 50 % du trafic en ligne sur le web aujourd’hui, ce sont des bots. Donc, tu ne lis même pas de vraies personnes qui disent : “ta façon de penser est merdique” ou “ton camp politique est solidement stupide”. C’est comme ça que je le vois, parce que je suis tellement détaché de tous les trucs en ligne. Il faut éteindre ces façons de penser, c’est de ça que je parle quand je dis Extinction Level Event. Et des chansons comme Circular Firing Squad parlent du fait qu’on aime juste se pointer du doigt, les uns les autres. Tout le monde pense qu’il a 100 % raison alors que tu as souvent 100 % tort. Mais ce sont aussi les premières paroles que j’ai écrites pour Dark Angel depuis longtemps. Et j’ai évolué comme parolier. Je ne t’assomme plus avec les concepts comme je le faisais avant. Maintenant, elles sont un peu plus surréalistes. J’ai toujours essayé de rendre les paroles intelligentes et aussi claires que je pouvais les rendre. Donc tu sais, quand les gens aiment les paroles, c’est génial! Je parle aussi du fait de se débarrasser des vieilles façons de penser et de réorganiser tout ce qu’on a devant nous.

Certaines chansons se distinguent par leur intensité et leur complexité rythmique sur l’album, comme la chanson-titre et ma préférée Woke Up To Blood. Est-ce qu’il y a une chanson en particulier qui t’a vraiment challengé à la batterie?

La deuxième moitié de Woke Up To Blood. Tu sais, je me dis chaque soir quand on la joue en concert, je pense : « Pourquoi j’ai écrit ça ? » Hahhaha! Tu sais, c’est un rythme de batterie dingue sur des guitares rythmiques totalement folles, et c’est une chanson entièrement en aller-retour vers le bas, en down picking. C’est un défi à jouer à la guitare. Tu ne peux pas juste prendre une guitare et jouer Woke Up To Blood ou Sea Of Heads ou quoi que ce soit de ce genre. Tu dois être échauffé pour jouer ces chansons. C’est pourquoi on les place plus tard dans notre setlist, parce que tu dois être bien réchauffé pour pouvoir les jouer correctement. Mais j’adore Woke Up To Blood. C’est ma préférée du disque. Et je sais que c’est aussi la préférée de Ron (Rinehart, chanteur). Quand j’y repense, ma chanson préférée change souvent. Actuellement c’est Woke Up To Blood. Il y a eu des moments où Scarface The Room était ma préférée. Il n’y a pas une chanson où je me dis : « Celle-là, c’est raté! »  Non. L’album est sorti et il est parfait pour moi. Théoriquement, aucun album ne l’est, jamais! Comme on dit toujours : « Ton album n’est jamais fini, tu as juste une date limite! » Hahha! Donc avec Dark Angel, on serait encore en train de travailler dessus! C’est comme ça. Mais je suis vraiment excité avec ce disque. J’adore toutes les chansons, j’adore les paroles, j’adore les voix, j’adore la couverture. J’adore tout dans cet album!

Tu as mentionné Sea Of Heads. J’ai vraiment aimé cette chanson. Elle a du groove. C’était une surprise pour moi. Donc qu’est-ce que tu pourrais nous dire à propos de celle-là ? Parce que le groove est juste, incroyable.

Merci! Tu sais, on a déjà eu des chansons avec du groove avant, comme Pain’s Invention, Madness, ou peut-être Act Of Contrition. Même d’autres anciennes comme Older Than Time Itself. C’est assez étrange parce que je n’ai jamais considéré Dark Angel comme ayant beaucoup de groove, mais ça m’a été pointé plusieurs fois au fil des années. “Telle ou telle chanson, c’est une chanson plutôt groovy”. Et j’étais du genre : « Wow, je pensais qu’on faisait du thrash metal! » Il y a une bonne ligne, une bonne rythmique. Ce riff vient de Laura Christine, tu sais, le riff d’intro? Je l’ai essentiellement volé à Laura Christine et à moi, à notre autre projet! Hahhah! Il avait un autre accompagnement en dessous, mais elle l’a remarqué et elle m’a dit : “Euh, ce riff vient de notre chanson pour notre autre projet!”. Laura a contribué à tous les meilleurs riffs de l’album. Avec Sea Of Heads, c’était juste une chanson que j’ai écrite sur le headbanging. À propos de toutes les foules, en festivals, en Europe ou dans une salle de concert. C’est juste une mer de têtes qui headbanguent. Parce que cette chanson, elle a ce groove de headbanging. Le refrain est littéralement un tutoriel sur comment headbanguer. Quand tu lis les paroles, tu vas te dire : “Ah, je comprends ce qu’ils disent ici!”. J’essaie de rendre ça un peu surréaliste et peut-être même intelligent! Je ne sais pas, je n’ai pas de meilleur mot! Mais juste une approche originale sur le headbanging.

Jim Durkin, décédé en 2023, était une figure centrale de Dark Angel. Comment son absence s’est-elle ressentie dans le processus créatif et l’enregistrement de l’album ?

Eh bien, tu sais, c’était quelque chose avec laquelle nous étions en terrain connu. Nous avions déjà connu l’absence de Jim Durkin en 1989 quand il a quitté le groupe. Et nous avons continué, tout de même. Jim disait : “Ouais, faites-le! Continuez!”. On avait Brett Eriksen de Viking comme nouveau guitariste. Et on a pu créer Time Does Not Heal ensemble. Quand est venu le moment de commencer à écrire ce nouvel album, Jim et moi nous sommes rencontrés plusieurs fois, avons catalogué des riffs, fait des démos sur une batterie électronique. Puis la pandémie est arrivée. Moi, j’étais à San Diego, lui à Los Angeles, à 2h30 de route. Donc j’y allais dès que possible. Mais c’était difficile de rester en contact. Jim disparaissait parfois, il nous avait prévenus de ses absences et du manque de temps. Il avait une carrière très lucrative en dehors de la musique. Alors j’ai commencé à avancer seul. J’ai dit à Jim : “Je vais écrire, je vais t’envoyer tout ce que j’ai”. Il répondait par un pouce levé ou un “C’est génial, tu n’as pas besoin de moi en fin de compte!”. Finalement, il m’a dit : “Tu peux continuer, tu fais bien ça!”. Comme il avait déjà choisi Laura Christine comme remplaçante pour les concerts, il a été suggéré qu’elle joue sur l’album. Donc voilà, c’est ainsi que n’avons avancé pour cet album.

En ce moment, tu es en tournée avec Dark Angel, mais dans un mois tu seras en tournée avec Death To All. Tu as fait l’histoire avec Death aux côtés de Chuck Schuldiner. Death To All continue cet héritage, encore aujourd’hui. Quelle est ta relation avec la famille de Chuck et que signifie le fait que son œuvre soit encore célébrée en 2025 ?

On trouve ça excitant et notre relation est vraiment bonne avec la famille. Ils comprennent que nous sommes pour Chuck, pour Death, pour la musique et l’homme. Un jour, je parlais avec Christopher Steele, le neveu de Chuck. Je lui expliquais notre démarche. Et il m’a dit : “On comprend et vraiment, merci beaucoup. Mais tu dois savoir que vous êtes aussi une partie importante de l’héritage de Death. Vous honorez aussi votre propre héritage, le legs!” Ça m’a touché. Il a dit : “Vous êtes une raison importante pour laquelle Death est encore aimé et apprécié”. J’ai trouvé ça incroyable, parce que ça venait de la famille. C’est exactement ça, nous faisons ça par amour pour Chuck et pour la musique. On reçoit beaucoup de messages de fans disant à quel point ça les touche de revoir ces morceaux joués, sur scène, par nous. Donc c’est spécial et ça continue d’être fort en 2025. Pour moi, la seule façon de rendre vraiment hommage à Death, c’est de jouer tout le répertoire du groupe. Pas juste dire : « Bon, voici les trois albums sur lesquels on a joué, alors on va se limiter à ceux-là. » Non, pour moi, ce serait absurde. La seule manière correcte de faire les choses, c’est d’interpréter l’ensemble du catalogue, parce que Death a compté dans ses rangs, des musiciens extraordinaires. Death to All regroupe, justement, plusieurs de ces musiciens exceptionnels, capables de jouer toute la discographie, sans aucune difficulté. C’est pour ça que, pour nous, il est essentiel d’honorer l’intégralité de l’héritage de Death. Ce n’est pas une question de ne faire que les morceaux de trois albums auxquels on a participé, jamais! Ce genre d’approche, ce n’est pas notre truc. C’est pour ça que je dis toujours que Death to All est, selon moi, le seul groupe hommage qui rend cet hommage comme il se doit. Il existe d’autres excellents groupes hommage à Death. Certains viennent du Canada, d’autres d’Amérique du Sud et ils font un super travail. Ces gars-là sont formidables. Mais pour moi, le vrai moyen d’honorer Death, c’est de célébrer toute son œuvre.

Effectivement, et vous le faites à la perfection.

C’est d’ailleurs pour ça que nos concerts sont si longs. Si tu veux jouer quelques chansons de chaque album, tu te retrouves vite avec un set d’environ deux heures. Nos spectacles sont donc très longs, oui! Mais c’est comme ça qu’on prend soin du catalogue de Death, qu’on devient les gardiens de son héritage. C’est vraiment ma façon de voir les choses.

Gene Hoglan, merci beaucoup. Merci pour la musique, et on se voit à Montréal avec Death to All.

Merci à toi ! On a bien hâte d’y être! Venez nombreux aux spectacles, vous allez adorer!

Le nouvel album de Dark Angel est disponible et Death to All sera au MTelus avec Gorguts et Phobophilic, le 12 novembre et c’est ICI pour des billets!

Photos: Ella Rodrigue