On dit souvent que les amateurs de musique metal sont des rebelles, des anticonformistes, des esprits libres qui refusent de se soumettre aux modes éphémères. En réalité, ils sont probablement les plus conservateurs de toute la faune musicale. De gros bougonneux, des chialeux qui se prélassent amplement dans leur routine et qui adorent que les choses restent, de même. Oui, des conservateurs qui se veulent allergiques au changement, accrochés à leurs vinyles usés, jaloux gardiens d’un temple sonore où rien ne doit bouger parce que dans le temps, c’était bin meilleur.

Ils étaient en ligne, au magasin A&A, pour acheter Reign in Blood de Slayer, le jour de la sortie officielle pendant que leur sœur achetait un coton ouaté chez Original Au Coton. Ils ont loafé des cours pour aller acheter Master of Puppets de Metallica au Sam the Record Man, lors de sa sortie initiale. Ils ont acheté Peace Sells de Megadeth avec leur argent récolté en passant le Journal de Québec lors de la fin de semaine qui a suivi sa date de sortie et Among the Living d’Anthrax en cassette a été échangée contre un 6 pack d’O’Keefe le soir de la brosse chez Richard Fortin, de Laterrière.

Tout ça, en 1986. L’année de référence du métalleux antique, âgé dans la cinquantaine avancée. Celui-là, il en a vu des vertes et des pas mûres!

Cette année qu’est 1986 n’est qu’une année de référence mais elle se veut la pierre angulaire face à ce sentiment de protection métallique, de gatekeeping, dans le domaine du metal. Cette année reflète amplement l’état d’esprit général du métalleux un brin borné, celui qui utilise toujours cet argument de marde pour finir sa discussion : « Ouais, j’comprends ce que tu me dis mais c’était bin meilleur dans l’temps! Tsé, j’ai vu Metallica au Centre Georges-Vézina!»

Toi, tu n’étais même pas au monde…

Ton regard est vide, tu n’as plus d’argument solide et là, il énumère les sorties, mentionnées plus haut, des quatre groupes du Big Four lors de cette année fatidique qu’est 1986.

Proposez-leur une nouveauté et vous serez accueilli avec un haussement d’épaules blasé et la fameuse réplique suit toujours.Tout le temps, c’est immanquable. Pour eux, l’avenir n’existe que comme une mauvaise copie cheapette du passé. D’ailleurs, ce fait dépasse largement la musique : beaucoup gardent le même emploi depuis des années, parfois même en le détestant passionnément, mais ils tiennent bon. Ils le gardent parce que ça paie les factures et que ce serait tellement plus compliqué de repartir à zéro. Ça ne vaudrait pas la peine, pas là où ils sont rendus.

Les mêmes habitudes, les mêmes routines, le même café Maxwell House dans la boîte circulaire bleue, dans la même tasse égratignée des Simpsons et ce, depuis 1997.

Essayez donc de suggérer à un métalleux que son groupe favori des années ’80 a mal vieilli… Vous aurez droit à un sermon plus long qu’une écoute de Dopesmoker de Sleep.

Je vous rappelle que c’est une chanson de 63 minutes…

Proposez, disons… une expérimentation un peu trop électronique par un groupe metal ? Sacrilège ultime. Introduisez des influences pop dans le son d’une formation metal comme le fait Ghost? Excommunication immédiate!

Dans le fond, les fans de metal ressemblent à des archivistes plutôt grincheux et très frileux face aux nouveautés: ils cataloguent tout ce qui a été fait à la perfection, selon leurs goûts, ils protègent le passé et ils défendent chaque riff comme si c’était une relique du Moyen Âge qui devrait se retrouver dans un musée.

Et pourtant, malgré cette réticence maladive à la nouveauté, ils demeurent étonnamment sympathiques et souvent très instruits. De véritables bibliothèques ambulantes de riffs, de dates de tournées et d’anecdotes obscures sur les pochettes d’albums.

Leur talon d’Achille, leur faiblesse ultime ? La nostalgie.

Ils s’accrochent à leurs souvenirs comme à une collection de patchs cousues sur une veste en jeans avec pas de manches. Une patch de Maiden de la tournée Somewhere on Tour, une patch de Metallica trouvé dans un marché aux puces en ‘92, une patch… de leurs 40 dernières années envolées, mais jamais oubliées.

Mais il faut l’avouer, cette obsession du passé est aussi ce qui fait la beauté du genre métallique. Le metal se nourrit d’hier pour ne pas mourir demain. Alors oui, les métalleux sont nostalgiques, conservateurs et protecteurs jusqu’à l’obsession. Et vous savez quoi? J’en fais partie, moi aussi.

Et franchement, qui d’autre aurait la détermination de porter encore fièrement un t-shirt troué de Slayer lors de la tournée Touring in the Abyss, comme s’il s’agissait d’un uniforme sacré ?

Hein, qui?

Pas pour le swag ou le drip, mais parce qu’on y était et qu’on est ressorti de là avec les bleus et autres ecchymoses qui venaient avec!

En gros, les métalleux sont réfractaires aux nouveautés, de féroces gardiens du passé, un brin obstinés, je dois l’avouer… mais sans eux, le metal ne serait pas ce sanctuaire intemporel qu’il est aujourd’hui!

*Vos have ut habere bonum risu semel in a dum