Il fut un temps où, à la table de merch, acheter un t-shirt de son groupe préféré était un geste d’une simplicité désarmante. On sortait un billet de vingt et un Wilfrid Laurier, on repartait avec un souvenir en coton noir avec un imprimé à l’effigie de la formation chérie, et on avait encore assez d’argent pour une couple de bières. Aujourd’hui, lors des concerts metal dans les grandes salles et/ou arénas, c’est devenu un luxe réservé à ceux qui ont une carte de crédit, sans plafond. Cinquante ou soixante dollars pour un simple t-shirt noir… on se demande si les fibres de coton n’ont pas été cultivées sur la planète Vénus.
Évidemment, chacun se renvoie la balle. La salle exige son pourcentage, le promoteur prend sa part, le gérant prend sa cut, l’augmentation de la matière première, l’artiste récupère ce qui reste… et c’est l’amateur commun qui encaisse le coup monétaire. On se retrouve avec une pyramide inversée où le consommateur est tout en bas, pressé comme un citron pour nourrir tous les étages du dessus!
Et comme si ça ne suffisait pas, les billets du fournisseur du Maitre du Ticket suivent la mode de la « tarification dynamique ». Traduction libre pour toi, mon ami/e : tu paies plus cher si tu es trop lent à cliquer lors de la mise en vente.
Résultat, tu peux débourser 180 $ pour un billet près du plafond du Centre Bell, le même que ton voisin a payé 90 $, juste parce que tu as eu le malheur d’avoir une connexion internet un peu plus lente ou que tu as procrastiné face à un achat lors de l’une des 12 préventes disponibles.
On appelle ça « la loi du marché », mais ça ressemble surtout à un système, bien organisé.
Puis, évidemment, la bière. À 16 $ chacune, on boit avec la même prudence que si on sirotait l’un des grands crus disponibles au restaurant Mon Lapin: une gorgée à toutes les trois chansons, sinon ça te coûte un bras.
Déjà que tu as laissé un rein au comptoir de la merch… Ajoutez-y le stationnement! C’est comme si tu stationnais un Boeing 747 à l’aéroport Montréal-Trudeau, et le budget total d’un simple concert dépasse facilement ce qu’on payait autrefois pour une passe pour un festival complet.
Alors vers quoi nous dirigeons-nous? Est-ce que nous nous enlignons vers une époque où assister à un spectacle metal en aréna sera un privilège réservé à ceux qui en ont vraiment les moyens, pendant que les autres devront se contenter de regarder les extraits filmés au cellulaire sur YouTube?
Les gros concerts heavy metal en aréna se voulait la célébration du peuple métalloïde, le loisir des opprimés. Mais aujourd’hui, c’est peut-être devenu le loisir le plus bourgeois qui soit…
*Vos have ut habere bonum risu semel in a dum