Blothar de GWAR ne donne pas vraiment d’entrevue, il propose plutôt une collision frontale avec son interlocuteur. Vétéran intergalactique de la scène shock rock, c’est un hybride entre un dinosaure interdimensionnel et un Viking, un apôtre des fluides corporels scéniques. Il est difficile de définir exactement qui (ou quoi) est Blothar… mais une chose est plutôt certaine : il n’est jamais en mode « je vais promouvoir le nouvel album ». À l’occasion de la sortie du nouveau EP de GWAR, The Return of Gor-Gor, nous avons été en mesure d’affronter le chaos, l’humour corrosif et les vérités crues de cet être particulier qui en avait long à dire, pendant une bonne vingtaine de minutes. Entre ses réflexions sur la neige montréalaise, des récits d’accidents de train de cirque, de la prostitution de Gor-Gor et de la vengeance cosmique contre l’humanité, Blothar the Berserker ne m’a pas déçu, lors de cet entretien exclusif.

Bonjour Blothar! Ici Yanick, de Montréal. Comment vas-tu ?

Oh, je vais bien, Yanick. Quel endroit, Montréal. J’adore!

Je sais que tu aimes Montréal. Est-ce parce que tu aimes y manger de la poutine?

Eh bien… non, je ne suis pas un grand fan de poutine. Mais j’aime plein d’autres choses à propos de Montréal.

Comme nos belles femmes ?

Oui, et puis, tu sais, on y va depuis tellement longtemps. GWAR… Je crois que la première fois que je suis allé à Montréal, je venais tout juste d’avoir 18 ans.

18 ans et avec GWAR. Ça devait être tout un périple! Probablement à l’époque des Foufounes Électriques?

Oh oui, vraiment. On est allé là-bas, on a rencontré les gars de Voïvod, on a rigolé ensemble, c’était génial. On a déambulé dans les rues, et il neigeait presque toujours.

Oui, il neige beaucoup ici. Mais toi, Blothar, tu aimes la neige, non ? L’Antarctique, c’est un peu ta destination de rêve, je crois.

Ouais, j’adore ça. J’adore le climat là-bas. Et la bière y est bonne aussi à Montréal. Et quand j’y repense, pour une raison quelconque, à Montréal, on fumait toujours plein de hash!

Il y a de bonnes choses dans le coin pour ceux qui veulent s’amuser, c’est bien. Bon, il faut qu’on devienne un peu sérieux maintenant. Avec ce tout nouvel EP, on comprend que Gor-Gor est de retour. Est-ce que l’humanité doit commencer à évacuer la planète maintenant ? Ou il reste encore un peu de temps pour faire des sacrifices rituels et faire le plein de sacs de Cheetos ?

Hum… Les sacrifices rituels et les Cheetos ne vous sauveront pas. Non. Gor-Gor arrive, et… ça va être quelque chose. Gor-Gor est là depuis le début de GWAR. Sur les toutes premières photos du groupe, on le voit. C’est notre dinosaure de compagnie, il a toujours été là. C’est donc parfait de le faire revenir pour les 40 ans du groupe.

Oui, il était même sur scène avec vous lors de la tournée avec Static X, il y a environ un mois, à Montréal.

Ouais.

Tu peux nous parler un peu de cette tournée avec Static X ?

Ah, c’était une bonne tournée, très spectaculaire. Et… Xer0, le chanteur… enfin, c’est ça son nom ?

Oui, probablement. Il me semble.

Ouais, 0, avec un X au début. C’était un peu compliqué de travailler avec lui, parce que, tu sais, c’est un robot de Wayne Static. C’est comme Wayne, mais avec beaucoup plus d’endurance. Mais bon, c’était le fun. Visuellement, il y avait beaucoup à voir, chaque soir. C’était une bonne tournée. On a joué à Montréal… Je crois que c’était la première fois dans cette salle-là. Enfin, non, on avait déjà joué là.

Exactement. Et dis-moi, est-ce que tu penses que le robot Xer0 a été construit par Tesla et Elon Musk ?

Hahahha! Je ne pense pas. Non… Mais bon, il avait un côté sombre, c’est sûr.

Mais pas de tronçonneuse ?

Hahhaha! Non, aucune tronçonneuse. On en avait une, nous. Nous en avons toujours une à proximité!

Je voulais te parler de la nouvelle chanson sur le mini-album, The Great Circus Train Disaster. Le titre est long. Tu penses que c’est une métaphore pour l’administration Trump ?

Oui, ça peut être une métaphore pour plein de choses. Quand on l’a écrite, c’était un peu l’idée : un cirque lancé à toute vitesse vers une catastrophe inévitable. Un groupe de gens qui essaient de faire semblant que tout va bien. Et il y a un côté très GWAR là-dedans, évidemment. Mais en fait, ça vient d’une vraie visite qu’on a faite dans un musée des vampires en Pennsylvanie. Il y avait une histoire sur un accident de train de cirque. Je ne m’étais jamais demandé avant si les trains de cirque pouvaient vraiment dérailler. Et les animaux s’échappent, les clowns essaient d’éteindre les flammes… Apparemment, ça s’est déjà produit plusieurs fois!

Ouais. C’est un sujet intéressant!

Mais oui, tout ça a plusieurs niveaux de sens. Et l’Amérique en ce moment ressemble beaucoup à un train de cirque en feu. Mais c’est pas drôle. C’est juste une bande de clowns. Le pire cirque du monde!

Est-ce qu’il y a un membre de GWAR qui figure sur la liste d’Epstein ?

Hahhha! Sur la liste d’Epstein ? Je ne pense pas. Ces gars-là étaient trop fragiles. Nous, on préfère nos enfants morts, dès la sortie de la boîte.

Parlons d’une autre chanson sur The Return of Gor-Gor : Lot Lizard. Elle est rapide, très speed metal. Tu peux nous en dire plus ?

C’est Beefcake the Mighty qui a écrit la musique. Et on a collaboré sur les paroles. C’est l’histoire du jeune Gor-Gor. Dans la chanson précédente, on tue accidentellement sa mère, donc il se retrouve orphelin.

Comme Bambi ?

Exactement. Ou pire : comme Dumbo! Ensuite, il est élevé et maltraité par le cirque. En adolescent rebelle, il décide de s’émanciper. Mais le seul travail qu’il trouve, c’est celui de prostitué dans un relais routier. Il devient une lot lizard. Sauf que… faire des fellations quand t’es un T-Rex, c’est pas le boulot le plus pratique. Pas beaucoup de clients réguliers.

Trop de dents, effectivement! Génial. Il y a une autre chanson : Tyrant King. Vous vous êtes surpassés. Très thrash, très métal. Quels instruments avez-vous utilisés ? Guitares traditionnelles ou… politiciens torturés et le son d’un glacier qui fond ?

Hahhahha! Oh, il y a des sons vraiment fous là-dedans. C’est Grodius Maximus qui a apporté ses sons bizarres de guitare-synthétiseur. C’est vraiment cool. On voulait refaire la chanson Gor-Gor, une des toutes premières chansons de GWAR, donc il fallait que ce soit bon, lourd et massif. Ce sont des instruments traditionnels, mais les guitares sonnent de manière expérimentale grâce à Grodius et BalSac. GWAR a toujours été un groupe musicalement curieux. Mais les gens ne voient que notre apparence. Peut-être parce qu’on a l’air à de la merde.

Mais vous ne sonnez pas comme de la merde, c’est ça le plus important.

Exactement. Mike Gitter, un journaliste et A&R, disait : « GWAR fait de la bonne musique depuis des décennies, mais toujours dans l’ombre. »

40 ans et vous continuez. Tu ne te dis jamais le matin : « Je fais encore ça ? » Ça doit plaire aux gens. À quoi ressemble une journée typique dans GWAR?

Je me réveille dans mon cercueil, je gratte pour sortir, et je cherche du café. Parce que j’ai besoin… d’aller à la toilette. C’est toujours comme ça : chier, douche, rasage… enfin, je me rase pas vraiment. C’est plutôt du manscaping.

Haha!

J’ai de grosses touffes de poils qui poussent au bout de mes pénis, je dois les tailler. C’est comme une queue de lion!

Maintenant que Gor-Gor est de retour, que désire-t-il? : il veut se venger ? Être réhabilité ? Ou juste être invité à détruire Alligator Alcatraz ?

Hmm… je pense qu’il veut se venger. Pas de rédemption. Il n’a rien à se faire pardonner. Gor-Gor est une force élémentaire. Il représente la nature. Et il veut se venger de la pire maladie sur Terre : l’humanité.

C’est une réponse, puissante! Vous étiez à Montréal, il y a un mois. Des chances de vous revoir bientôt ?

Pas très bientôt. On a des dates au Canada, mais rien pour Montréal ou Québec. On a joué à Québec dernièrement. Donc… probablement dans un an, je dirais.

2026 alors. Dernière question Blothar, et sois honnête : est-ce que c’est vrai que GWAR a été expulsé par Sharon Osbourne du concert Back to the Beginning de Black Sabbath? Et si oui, combien de litres de sang avez-vous aspergés en signe de protestation ?

Hahhahah! Je vais te dire un truc : GWAR ne reçoit pas le crédit qu’il mérite.
À chaque grand rassemblement de figures importantes du métal, le fait que GWAR n’y soit pas, c’est une honte! Pour eux, pas pour nous. GWAR est un groupe qui fait rire. Les gens rient à nos concerts. Ce n’est pas comme un show de Slayer. Et parce qu’on est le fun, qu’on fait des trucs fous sur scène, qu’on a redéfini le cadre du rock, on nous ignore. GWAR est une légende du shock rock, on a aidé à créer ce genre. Et on n’a aucun crédit pour ça. Mais bon, on ne veut pas paraître comme Trump : « Donnez-moi du crédit ! » Mais franchement, c’est eux qui y perdent. Cela dit, on souhaite le meilleur à Ozzy* et à Black Sabbath. Tous les artistes métalliques qui y étaient avaient l’air à des grands-papas.

J’étais à Birmingham. Steven Tyler ressemble à une grand-mère sexy.

C’est un GILF!

Blothar, je n’ai plus de questions, mais je suis rempli de joie. Merci infiniment !

Merci à toi, Yanick!

The Return of Gor-Gor de GWAR sera disponible le 25 juillet sur Slave Pit Inc.

  • L’entrevue a été faite avant le décès d’Ozzy Osbourne

Photo: Shawn Stanley