Le dimanche matin est souvent une période où j’apprécie taper mes textes. Je suis quelqu’un qui, de nature, se lève tôt. Même la fin de semaine, je dépasse rarement le 7h00 comme heure de levée. Si la veille je me suis bamboché ou même si j’ai été aussi sec qu’un désert, je me lève tôt. Depuis un bout de temps, j’aime bien m’asseoir sur mon petit canapé, ce qui me donne une bonne vue sur ce qui se passe dehors en cette saison que j’ai décidé de renommer, le printomne! C’est la grisaille, les branches d’arbres sont en train de tanguer et il y a des corneilles qui piaillent et marchent sur le devant de ma maison.
Mais que font-elles là? Généralement, la présence de ces oiseaux est annonciatrice de mauvaises nouvelles. Je pense aux gens de ma famille mais étant donné qu’il est 6h43, je ne vais pas les déranger pour autant. L’épouse est assise devant moi en train de feuilleter l’album des finissants de mon ado, tout roule alors. C’est probablement autre chose.
Je réussi à compter 3 spécimens ailés qui prennent place sur l’espace de béton. Ma vision me permet de ne voir qu’une portion de mon entrée, rien de complet. La curiosité me pique, je sens qu’il se passe quelque chose. Malgré le fait que cela ne me tente pas plus de me lever que cela peut tenter à François Legault d’entendre parler du scandale de SAAQclic, je dépose mon ordinateur portable et me dirige à la porte.
En tournant la poignée, j’entrouvre la porte et je comprends immédiatement ce qui se passe. Bien souvent, lorsque nous préparons le souper, je vais mettre les items à jeter ou composter de l’autre côté de la porte, sur ce petit perron. Sachant que je vais ensuite aller les déposer dans leur bac respectif, je sais que c’est un bon geste!
Sauf qu’hier, il pleuvait que le bâtard, j’ai donc laissé de côté l’aventure pour aller me concentrer sur autre chose, comme terminer la saison 2 d’Andor (oui, j’ai repris mon abonnement à Disney + pour regarder cette série) et commencer un documentaire, par la suite. Donc, samedi soir, je ne me suis pas rendu aux bacs pour y lancer des restants de poulet et autres retailles de légumes. Ce matin, c’était donc le festin des corbeaux (sans Marjo) dans les restants de la veille.
Envolés les corvidés, je pouvais donc aller torcher ce qui en restait, c’est-à-dire pas grand-chose. Voraces sont les corneilles lorsqu’il y a quelques miettes de nourriture. Imaginez lorsqu’il y a l’équivalent d’un festin pour charognards.
L’image de la corneille est récurrente sur les pochettes de la formation Katatonia. À de nombreuses reprises, nous avons vu cet oiseau sur des couvertures d’albums comme Sky Void of Stars, The Fall of Hearts, Dethroned & Uncrowned, Dead End Kings (en mode squelettique), Viva Emptiness (sur le lampadaire de gauche), Tonight’s Decision et Brave Murder Day. Ce qui s’est passé ce matin est plutôt symbolique, étant donné que je vais vous parler du nouvel album de la formation suédoise qui, sur sa couverture pour Nightmares As Extensions of the Waking State, propose un chevreuil… avec des corbeaux dans le ciel!
Est-ce l’un des spécimens de ceux de Longueuil? Pantoute…
Oui, un beau gros chevreuil qui ferait le délice de tous les chasseurs de la belle province. Cette couverture est un changement au niveau visuel pour les rois du metal dépressif mais le changement le plus important pour Katatonia demeure l’absence du guitariste et membre fondateur, Anders Nyström. Onde de choc dans le domaine métallique, on se doutait bien que quelque chose clochait dans le camp du groupe. Il semblerait que ce soient des divergences artistiques qui demeurent au centre de la séparation.
Ce qui fait que le groupe se retrouve avec une nouvelle équipe au niveau de la composition. Deux nouveaux guitaristes ont donc joint les rangs de la formation, laissant Jonas Renkse comme étant le cerveau derrière le groupe. Dorénavant, nous retrouvons Nico Elgstrand, ancien Entombed et Entombed AD sur la guitare en plus de Sebastian Svalland, qui a surtout joué avec des projets de Peter Tagtgren sur scène, comme Pain, Lindemann et même Hypocrisy. Deux gars qui proviennent de la scène metal plus extrême pour jouer avec un groupe reconnu pour sa parcelle dépressive.
Et comment le tout se transpose-t-il sur album? Est-ce que l’absence de Nyström se fait entendre? Ou est-ce aucunement audible, on n’y voit que du feu?

Cet album débute avec un morceau intitulé Thrice qui ressemble à ce que Katatonia offre généralement. Un metal mélancolique, voix en mode lamentation et une ligne de guitare assez forte, bien balancée par la basse et les percussions. Quelques mouvements saccadés dans les transitions, c’est dans l’habituel. Un départ en douceur, pas de doute. Nous sommes en terrain connu, aucunement perdus.
Un peu de vigueur et d’éveil sur la suivante du nom de The Liquid Eye. Je remarque à ce moment précis que la voix de Jonas Renkse semble beaucoup plus haute que par le passé, plus pointue. À moins que le Suédois ait usé de ce que l’on appelle l’autotune mais je me demandais même si c’était vraiment lui qui poussait la note. Une fois de plus, musicalement, nous sommes dans un milieu qui se veut, sécuritaire.
Léger changement de ton avec Wind of No Change avec sa roulade à la basse en introduction, suivie par une chorale de voix plus célestes. Est-ce une reprise de Therion? Non, quand même. Par après, nous reprenons dans la mélancolie et je remarque, une fois de plus, que la voix se veut différente. Retour de la chorale lors du refrain qui se veut glauque, c’est aussi sombre que le plumage d’un choucas.
Katatonia nous garde en zone sécuritaire avec Lilac et Temporal. C’est acrimonieux mais poignant. On sent un brin de lumière mais les musiciens propulsent une transition qui nous ramène vers les effets languissants, et c’est parfait ainsi. Par contre, c’est très soyeux avec Departure Trails. On imagine aisément des enfants faisant la ronde dans le jardin, pendant celle-ci. Warden est un peu plus pimpante grâce à sa basse qui poppe pour ensuite nous convertir le tout en morceau, une fois de plus, plus atténué, bienveillant même.
Après une portion plus relaxante, je m’attendais à une certaine explosion face au pacing de l’album. Avec The Light Which I Bleed, nous retournons dans l’harmonieux mais avec un peu plus de croustillant. L’effet demeure liquoreux et mielleux, je dois aller me faire un café pour éviter d’aller faire un petit somme… Pour terminer l’album, Efter Soden, pièce chantée dans leur langue maternelle, continue dans l’effet plus soporifique. Piano et effets aux claviers rythmés, la voix de Renkse est berçante, certes mais j’ai besoin d’un peu plus de piquant.
Heureusement, In the Event of est un morceau plus musclé mais demeure assez paisible, tout de même. Une fois de plus, la basse mène la charge avec la voix de Renkse jusqu’à ce qu’une cassure arrive, un truc un peu plus implosif, qui nous permet de nous recroqueviller sur notre marasme.
Nightmares as Extensions of the Waking State se termine. J’ai écouté l’album à trois reprises en fin de semaine, comme je le fais à chaque fois que je m’attarde pour vous parler d’un album. Généralement, lorsque j’ai terminé, je m’en vais visiter un site d’un disquaire local pour commander l’item en vinyle. Mais pas cette fois…
Non, je préfère me retaper pour une énième fois l’homonyme de Rivers of Nihil.
Disponible le 6 juin sur Napalm Records.
Photo : Terhi Ylimäinen