Introduction

Si comme moi vous appréciez toujours en connaître plus sur votre breuvage favori, j’avais envie de vous présenter ce mois-ci un outil que j’aime bien utiliser : le BJCP, ou Beer Judge Certification Program. Il s’agit d’un recueil officiel des styles de bières et de leurs caractéristiques, que les juges utilisent souvent lors des compétitions de bières. Vous pouvez le consulter en format PDF en suivant ce lien.


Son utilité

Personnellement, je consulte surtout le BJCP lorsque je déguste une bière d’un style moins fréquemment retrouvé au Québec ou encore un style de bière qui possède des caractéristiques plus nuancées. Je m’explique : à moins de déjà connaître par cœur les caractéristiques et subtilités de styles de bières allemands plus délicats par exemple, comme la Kellerbier, la Helles et la Kölsch, il peut parfois être difficile de les distinguer. Il peut aussi être difficile de juger de la fidélité ou de l’authenticité de ce genre de styles lorsqu’ils sont brassés au Québec par rapport aux bières produites en Europe qui suivront à la lettre la tradition brassicole de l’endroit.  

On aura donc recours au BJCP pour connaître exactement les caractéristiques que devraient posséder ces styles de bières : que ce soit le type de saveurs que l’on devrait retrouver, les ingrédients mis de l’avant, la couleur visée, etc. Des éléments comme la texture ou la gazéification, dont on parle un peu moins souvent mais qui peuvent faire toute une différence entre une bière réussie et une bière ratée dans un style donné, nous serons également précisés dans ce guide.

À titre d’exemple, on pourrait y apprendre qu’une Pilsner tchèque se veut habituellement plus amère et houblonnée qu’une Pilsner allemande. Si on se retrouve devant une Pilsner d’inspiration allemande brassée au Québec qui est très amère, herbacée et portée sur le houblon, on saura donc qu’il ne s’agit pas d’une interprétation fidèle à son style d’origine, que cela soit voulu ou non de la part du brasseur.

Lorsqu’on parle de styles de bières traditionnels, on retrouvera également dans le BJCP quelques lignes qui traiteront de l’historique du style, de son contexte de développement et de comparatifs face à d’autres styles similaires ou connexes par exemple.


Ses limites

La plupart de ces points sont déjà abordés dans la préface du BJCP, mais je tenais tout de même à les mettre en lumière ici. À mon avis, il ne faut pas voir le BJCP comme une « bible » rigide présentant une vérité objective, mais plutôt comme un guide qui peut nous aider à comprendre ce qu’un style de bière donné tend à atteindre comme profil visuel, aromatique et gustatif.

Le guide est mis à jour aux 5 ou 6 ans environ et ne contient donc bien souvent pas les nouveaux styles de bières développés récemment. On retrouve pour le moment une section « Hazy IPA », mais pas vraiment ses déclinaisons comme la NEIPA ou la Kveik IPA par exemple.

Tout ce qui est expérimentations et hybrides de styles (un élément clé qui caractérise la scène brassicole québécoise et nord-américaine en général) est mis de côté également dans ce guide puisqu’on se concentre surtout sur des styles définis et immuables. La Smoothie Sour sera alors par exemple laissée de côté, n’étant pas considérée comme un style de bière à part entière puisqu’une grande proportion de purée de fruits entre dans sa composition.

Les styles nous sont justement présentés comme s’ils n’évoluaient pas dans le temps, comme s’ils possédaient des caractéristiques objectives qui ne sont pas vouées à changer. Lorsqu’on s’intéresse un peu à l’histoire de la bière, on sait évidemment que les styles se modifient au fil des époques en raison des ingrédients utilisés ou disponibles, ou même tout simplement des avancées de la science et des connaissances des brasseurs, entre autres. Les Saisons belges actuelles sont probablement assez différentes de celles qui étaient consommées dans les campagnes de la Wallonie de la fin du XIXe siècle par exemple.


La dégustation


Legendre – Dunkel Lager – 4,6% – Silo (Montréal)

Le terme « dunkel » signifie « sombre » ou « foncé » en allemand ; la Dunkel Lager est donc une bière de fermentation basse d’inspiration allemande brassée avec des malts foncés. Dans le BJCP, on se réfèrera à l’entrée « Munich Dunkel », il s’agit donc en quelque sorte d’une version plus foncée de la Helles, qui est une Lager pâle allemande. C’est un style qui n’est actuellement pas des plus communs au Québec et la microbrasserie Silo nous propose présentement une interprétation assez réussie.

On a donc droit à des notes très goûteuses de pain grillé et de noix rôties. C’est peut-être également légèrement torréfié ou caramélisé par moments, sans toutefois être sucré. Le houblon est léger, n’apportant qu’un peu de support aux nuances de la céréale. Sans être une bière extrêmement complexe, c’est surtout ici l’intensité du malt qui est agréable, surtout pour une bière qui se veut à la fois vraiment facile à boire.


Festbier – Festbier – 6% – Lagerbräu (Montréal)

En se référant au BJCP, on peut apprendre qu’une Festbier est une Lager pâle allemande, du même type que celle qui sont habituellement servies à l’Oktoberfest, ou dans tout autre événement pendant l’année qui se veut moindrement festif. On la distingue de la Märzen, qui est le style de bière plus traditionnellement associé aux festivités de l’Oktoberfest par le fait qu’elle soit un peu plus pâle et moins caramélisée ou rôtie.

La version de Lagerbräu (brassée chez Avant-Garde) est à mon avis vraiment réussie. On retrouve ces saveurs de malts bien dodus et mielleux, avec une impression sucrée, mais une finale qui s’avère pourtant plutôt sèche, et donc très rafraîchissante. Un léger houblon herbacé, sans une trop grande amertume, est également perçu. En résumé, c’est le genre de bière aux saveurs agréables, bien équilibrée, mais qui mise avant tout sur une excellente « buvabilité »!


Contemplation – Vin d’orge – 9,8% – Boréale (Blainville)

Les bières de spécialité de Boréale tournent souvent autour de la NEIPA depuis quelques années, et c’est un style que la brasserie réussit très bien d’ailleurs. De façon assez audacieuse, ils nous présentent cet hiver un vin d’orge, un style de bière d’origine anglaise particulièrement extrême et puissant, qui ne plaira probablement pas à tous, mais que j’aime bien personnellement.

Si on se fie à l’historique du style, plusieurs vins d’orge, ou « Barleywine », contenaient probablement de la levure sauvage, puisqu’ils étaient conservés en barriques de chêne (qui logeaient brettanomyces et autres microorganismes sauvages). Celui-ci est toutefois une version non brettée et donc une version plus moderne. C’est une bière dans laquelle le malt est très goûteux, pouvant évoquer le caramel ou l’orange confite. L’amertume est également particulièrement puissante (vous êtes avertis!), flânant longuement en bouche après la gorgée. Cet aspect pourrait donc rapprocher la Contemplation des Barleywines américains (plus houblonnés que leurs cousins anglais) bien que ce soit surtout l’amertume des houblons et moins leurs arômes qui soient mis en valeur ici.


Conclusion

En tant qu’amateur de bière, il peut toujours être intéressant de consulter certains outils de référence afin de consolider nos connaissances sur la bière et comparer nos impressions lors d’une dégustation.

En plus du BJCP sur lequel portait cet article, il pourrait aussi y avoir le livre Les saveurs gastronomiques de la bière des auteurs David Lévesque Gendron et Martin Thibault, qui est LA référence au Québec sur l’univers de la bière, les styles, les saveurs et la dégustation.

Sinon, sur le site internet L’amateurdebière.com, vous retrouverez également les bières classées par styles. Les catégories que nous avons créées ne correspondent pas nécessairement à celles du BJCP, mais on retrouve évidemment la plupart des grandes familles et styles de bières. Donc, si vous désirez plus de suggestions de bières à essayer, visitez L’amateurdebière.com!