C’est quoi le gramophone? C’est un court billet pour vous partager des coups de cœur du moment sans pour autant en faire de longs articles d’analyse. C’est bon parce que ça vient me chercher tout simplement et je vous le partage par amour de la musique. Le concept est simple, à chaque chronique je vous propose 2 parutions telles les 2 faces d’un bon vieux disque vinyle.

Face A – Begotten : Nothing Worth Remembering

Je vais être honnête, je ne suis pas le plus grand fan de DSBM. Deuxième aveu d’emblée, rares sont les groupes du Canada anglais qui attirent mon attention. Mon jugement peut paraitre dur et froid, mais c’est surtout que la scène ontarienne m’a trop souvent déçu… même en mettant la barre des attentes au plus bas. Je poursuis donc en toute transparence : avoir su que Begotten émanait de l’Ontario, je n’aurais probablement jamais appuyé pour écouter… et je serais passé à côté d’une méchante belle pépite!

Bref, si le groupe prétend remonter à 2011, ce n’est qu’en 2018 qu’est paru A Waning Silhouette, premier album complet suivi d’un mini-album cette même année. Puis en 2020, la formation récidivait avec If All You Have Known is Winter, un excellent deuxième album complet. Continuant sur sa lancée, c’est en janvier 2021 qu’est paru le dernier effort du groupe, Nothing Worth Remembering, un mini-album d’un seul titre décliné en trois pièces/parties. Avant d’aller plus loin, je me dois d’identifier le pire défaut de l’opus, sa longueur. Les 19 minutes s’écoulent tellement rapidement qu’on ne peut que rester sur sa faim et réécouter une nouvelle fois! Il y a pire que ça comme défaut…

J’ai bien aimé la progression entre les compositions. La galette débute en douceur, une guitare laisse résonner des arpèges qui font grincer les lampes d’ampli tandis que la batterie asseoit le temps. On plaque des accords avec une rythmique simpliste, mais l’ambiance est là et l’ajout de la voix vient mettre une couche d’émotion sur les grattes bien saturées. Le texte est récité de manière très langoureuse qui rappelle Gris ou Sombres Forêts par moments. Les mots sont décomposés syllabes par syllabes de sorte que la réverbération prend la place qui lui revient, ce qui ajoute une couche caverneuse qui s’agence à la direction sonore « brumeuse » choisie en studio.

Le deuxième titre est le plus courtm mais aussi le plus rapide de l’album. C’est également ma chanson favorite sur cette parution. On est ici dans la « maximisation du minimalisme » si je peux m’exprimer ainsi. On utilise un total de trois ou quatre riffs simples pour construire la chanson, mais grâce à l’alternance des patterns de batterie, des leads aigus de guitare et enfin grâce au débit du récit scandé par Thomas Learner, chanteur du groupe, que la chanson prend toute son ampleur. Le chœur de voix qui surgit dans la seconde moitié de la chanson m’a agréablement surpris. Un arrangement qui, au fil des écoutes, m’apparait de plus en plus logique mais auquel je ne m’attendais pas au moment de mon dépucelage de ce mini-album.

Enfin, la dernière chanson est dans la suite musicale des deux précédentes. Il s’agit d’une pièce de fermeture et la puissance qui s’en dégage en témoigne. La chanson est lente et pesante, on tape du pied et on hoche la tête! La voix langoureuse et torturée vole encore la vedette tandis que la double pédale nous fait « flotter » sur le riff. Les instrumentistes alimentent cette atmosphère lugubre qui se dégage tout au long de l’écoute et je ne peux que m’imaginer à quel point cette pièce doit être grandiose voire majestueuse lorsque performée live dans une vraie salle de concert! Enfin, l’enregistrement se termine dans un lent fade out qui ne peut que laisser l’auditeur sur sa faim tout en laissant présager un futur brillant pour ce groupe obscur.

Face B – Frostnatt : Den russiske tomheten

J’attendais de pied ferme Det kommer til å bli kaldt, le premier album complet de la formation russe Frostnatt, mais j’ai dû me rendre à l’évidence avec regrets. Après la parution de deux excellents mini-albums en 2020, il semble que le one man band d’Alex Evensen s’essouffle. En plus d’avoir foutu en l’air son concept instrumental en ajoutant des samples vocaux en anglais qui agacent l’oreille, on tombe musicalement dans la lassante redondance. Donc plutôt que de gaspiller du temps à planter un album que je n’ai pas aimé, j’ai préféré vous parler d’un incontournable du projet, le mini-album Den russiske tomheten.

Tel que mentionné plus haut, Frostnatt est le projet d’un seul homme. Si la batterie sonne froide, synthétique et programmée, j’adore le côté martial qui vient avec et qui lui donne tout son cachet. Point de blastbeats ou de double pédale sur cet enregistrement. L’instrument est davantage utilisé comme une percussion qui se sert de tous les morceaux mis à sa disposition alors que les roulements de toms et la cadence des beats rappellent assurément des rythmiques qui alternent entre marches militaires et danses tribales.

À défaut de chanter, Evensen joue beaucoup avec les effets sonores, mais surtout avec le rythme : en utilisant les pauses, les punchs et l’ajout de couches mélodiques avec du reverb pour venir densifier le tout. Les guitares sont aussi puissantes dans les moments où les arpèges sont à l’honneur que dans les moments plus intenses qui transpirent l’influence des Summoning de ce monde.

Mention spéciale aux leads de guitare qui viennent ajouter une mélodicité rafraichissante en plus de permettre d’éviter le piège de la redondance en l’absence de voix pour venir combler les vides. Pour être honnête à ce propos, l’absence de voix ne se fait pas du tout sentir. Les pièces sont complètes en soi et pour ce qu’elles sont. L’atmosphère qui s’en dégage fait rapidement oublier qu’il s’agit d’un opus instrumental et après moult écoutes, je suis convaincu que l’ajout d’une voix sur ces chansons n’aurait pas apporté un « plus-value » significatif à l’œuvre. Enfin, je n’ai pas de pièce en particulier à vous recommander, mais il s’agit à coup sûr d’un album à écouter au complet, en marchant, préférablement en hiver. Les pièces supportent cette cadence de sorte que tout au long de l’écoute, on a l’impression de suivre un pèlerin dont le vent sibérien balaie le visage alors qu’il avance avec lourdeur dans la neige! C’est définitivement le genre d’opus qui s’écoute d’un bout à l’autre et qui lui aussi, se termine malheureusement trop vite…