Je ne sais pas si je suis absolument ému par le fait que l’Avalanche va porter le chandail des Nordiques pendant 7 parties ou si je suis plus en furie face au fait que mon équipe de hockey de mon enfance n’existe plus depuis 30 ans. Tout ce qui nous reste des Nordiques était ce chandail emblématique, en plus de Badaboum. Ce qui fait de moi un frustré, un anti-Canadiens. Depuis 3 ans, je me fais plus à l’idée qu’il serait probablement le temps d’en revenir et de m’y faire. Oui, Montréal a un club, et un fichu de bon club! D’attendre le retour des Nordiques à Québec, c’est un peu l’équivalent d’attendre le retour des Cavalera avec Sepultura.
Je le sais, les Canadiens de Montréal vont bien. Très bien, même. Trop, tellement que ça sent déjà la coupe dans les narines des fans! Assez même pour avoir réussi à éteindre les Flames de Calgary dans leur propre aréna, un exploit qui réchauffe le cœur des partisans en ce début de saison. Mais pendant que la glace du Centre Bell fond sous les flammes de la victoire, un autre feu s’allume ailleurs. Celui des médecins face à la CAQ, je le sais mais il y a aussi un feu venu du désert de l’Arizona, du métal et de la fureur. Celui que l’on voit poindre sur la pochette de Chama, le nouvel album de Soulfly où l’on peut voir un shaman qui s’élève des braises, signifiant pour moi cette silhouette incandescente d’un Max Cavalera qui refuse de s’éteindre.
Quelques décennies après ses débuts plutôt brûlants, Max Cavalera continue de faire trembler la terre métallique avec Chama (qui se traduirait par le mot Flame, en portugais), un album qui prend feu dès les premières secondes lors de cette introduction du nom d’Indigenous Inquisition. L’album prend ensuite une tournure plus belliqueuse avec Storm the Gates et sur Nihilist, où Todd Jones de Nails vient cracher sa rage dans un duel vocal sans merci, on rend un hommage sulfureux à LG Petrov d’Entombed. Oubliez les percussions tribales et les interludes chamaniques car le Soulfly de 2025 semble être une créature plus crue, plus urbaine, plus saignante.
La voix de Max, désormais saturée d’un écho rappelant les réenregistrements récents des classiques de Sepultura, semble résonner depuis une caverne où un feu de cuisson laisserait cuire de la viande de gibier. Ce n’est plus la transe du désert, mais le chaos de la pierre brûlante.
Sur No Pain = No Power, Soulfly se fait plus mécanique et groovy grâce à la présence de Dino de Fear Factory, évoquant un croisement entre Chaos AD et un vieux tank soviétique en panne. C’est sale, grinçant, mais indéniablement vivant. Puis vient Ghenna, une petite rapide qui implique une lente descente (avec Mike Amott d’Arch Enemy en invité sur la guitare) dans la fournaise bouillante, où Max se veut comme un prêcheur apocalyptique sur un fond de grooves poisseux et déstabilisants.

Et puis, il y a Black Hole Scum, léger clin d’œil tordu à Black Hole Sun de Soundgarden, avec un détour mélodique (et ironique, probablement?) vers Le Petit Renne au Nez Rouge. On rit, on hoche la tête, et on se dit que Cavalera n’a rien perdu de son sens de l’autodérision… à moins qu’il l’ignore totalement! Favela/Dystopia ramène quant à elle la crasse du bitume brésilien, entre hardcore et metal des bas-fonds. Morceau plutôt intense, il se démarque amplement tandis qu’Always Was Always Be clôt la section “combatif” avec un groove plutôt repensé, se veut plus expérimental que viscéral.
Enfin, Soulfly XIII, traditionnelle pièce instrumentale, agit comme un épilogue méditatif, un genre de dernier souffle avant la prochaine charge. Une respiration bienvenue après une vingtaine de minutes de fureur magnifiquement désorganisée, plus punk et salaud que ce à quoi je m’attendais. Finalement, la pièce titre termine l’album avec cette parcelle chaotique légèrement tribale.
Au final, Chama ne cherche pas à plaire, mais à brasser et ce, littéralement. Max Cavalera, entouré de sa tribu et de ses fils, prouve qu’il n’a rien perdu de son instinct primal : celui de faire du metal un acte de survie. C’est un album brut, punké, abrasif, mais étrangement spirituel dans sa sauvagerie.
Et si le feu de Chama brûle moins tribal qu’autrefois, il brûle toujours avec une certaine justesse métallique. Tout comme le cœur meurtri de l’amateur des Nordiques…
Disponible le 24 octobre sur Nuclear Blast Records.
www.facebook.com/SoulflyOfficial/
Photo : Jim Louvau