L’hiver approche, et pendant que je regarde le prix des pneus grimper comme l’intro de la chanson Eye of the Beholder de Metallica, je me console en me disant qu’au moins, je n’ai plus besoin de changement d’huile, l’un des avantages d’être passé à l’électrique. Par contre, quand le mercure descend sur mon thermomètre, ma batterie de Bz4X fond à vue d’œil, et c’est là que je pense à Testament : contrairement à la mienne, leur batterie, elle, gagne en intensité avec le froid et les années. Parce que sur Para Bellum, ce légendaire groupe californien prouve qu’il n’a rien perdu de son feu intérieur.

Dès les premières mesures, on sent la main ferme d’Eric Peterson, qui livre ici un travail de composition aussi précis qu’inspiré. L’album est construit comme une offensive parfaitement calculée : riffs tranchants, structures solides sur la guitare, refrains efficaces. C’est du Testament pur, comme dans les vieux jours mais avec modernisme. Avec un vent de fraîcheur (glacial, diront certains qui viennent de subir ce changement de température drastique) et qui balaie pas mal tout sur son passage.

La nouveauté la plus marquante dans le camp de Testament, c’est sans contredit l’arrivée du nouveau batteur, Chris Dovas, dont le jeu propulse le groupe dans des territoires plus extrêmes. Une fois de plus, les blastbeats font partie de l’arsenal, donnant à certaines pièces une férocité digne d’une mitraillette, sans jamais trahir la signature thrash du groupe. C’est brutal, mais contrôlé. Une démonstration de puissance et de maîtrise métallique qui te fera saliver.

Sur le plan vocal, Chuck Billy module et alterne plus que jamais. Il bifurque entre sa voix claire, chargée d’émotion éraillée, et ses grognements gutturaux, livrant une performance nuancée et très habitée pour ce monsieur de 63 ans. Il semble avoir trouvé un parfait équilibre entre la rage et la sagesse, entre l’instinct et la technique. Un vrai chef!

Parmi les pièces marquantes, For the Love of Pain se distingue par sa noirceur dramatique, un tempo plutôt massif où la tension monte graduellement. Le jeu de guitare est saccadé mais précis. Chuck Billy hurle à tout rompre, il semble avoir une envie insatiable de se retrouver sur les routes pour promouvoir cette nouvelle galette! La basse de DiGiorgio roucoule amplement (en fin de compte, partout sur l’album) et les voix en arrière-plan se veulent bien serpentaires, pratiquement noircies métalliquement. L’effet Dragonlord, une fois de plus?

Le premier extrait qu’est Infanticide A.I est un morceau qui frappe fort avec son introduction plus acrobatique, ses accélérations meurtrières et son propos d’actualité avec cette réflexion sur les dérives technologiques qui vire presque au cauchemar cybernétique pour nos jeunes… et moins jeunes. Je peux déjà visualiser le pit au Metropolis/MTelus (ou Centre Bell si Testament ouvre sur la prochaine tournée de Megadeth) se laisser aller sur cette chanson, prise en sandwich entre Into the Pit et Practice What You Preach.  

En passant, la basse sur celle-ci est tellement ballouneuse, oh que c’est beau!  

Shadow People, pour sa part, ramène cette sonorité classique du Testament des années 90, avec ce mélange de lourdeur et de mélodie qui a fait leur réputation. J’aime le pont sur celle-ci avec la ride qui se veut grandement visitée par Dovas, donnant à cette chanson un élan bien volatile.  

Nature of the Beast déroule un riff d’anthologie, tandis que la balade Meant to Be, signée par Alex Skolnick, offre une respiration inattendue empreinte de nostalgie, qui prouve encore une fois que Testament peut abaisser la vitesse tout en demeurant intense. Avec Witch Hunt, Testament replonge en mode ambivalent, c’est semi-death et semi-thrash mais toujours en intensité!

Room 117 ramène le style classique du groupe mais avec un roulement efficace sur les bass drums, Havana Syndrome se veut plus près des débuts du groupe quoique plongée aussi dans le modernisme, ce qui confirme que Testament demeure contemporain et la pièce-titre excelle en technicité autant qu’en agressivité, ce qui se veut parfait pour clôturer un album aussi puissant.   

En somme, Para Bellum n’est pas qu’un nouvel album de Testament. C’est une démonstration de vigueur. Un disque où la maturité et la férocité cohabitent sans friction. Là où plusieurs vétérans ralentissent le tempo, eux, l’accélèrent… mais avec classe!

Ma batterie de voiture risque de souffrir cet hiver car au Québec, on mange ça frette mais tant que celle de Testament continue de brûler à ce régime thrash intense, je suis prêt à endurer le froid dans mon bolide!

Disponible sur Nuclear Blast.

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Photo: Fred Kowalo