Image ci-haut : Amélanchier.
Source : Portrait des cultures fruitières indigènes et en émergence au Québec
https://www.agrireseau.net/documents/Document_108966.pdf


Introduction

Les ingrédients qui entrent dans la composition de notre breuvage favori proviennent bien souvent d’ailleurs, faute de production locale. Une NEIPA typique brassée au Québec contiendra par exemple des houblons américains brevetés, des malts de grands fournisseurs canadiens et des levures en sachet développées dans des laboratoires chez nos voisins du sud. L’eau est probablement le seul ingrédient dont on peut être certain que la provenance sera toujours québécoise, c’est le cas même chez les bières des grandes brasseries industrielles.

Bien que cette tendance se soit enclenchée depuis maintenant plusieurs années, j’observe présentement de plus en plus un désir de mettre en valeur les ingrédients et le terroir québécois dans la bière. Le marché québécois dans lequel évoluent les microbrasseries serait arrivé à une certaine maturité, à un stade auquel la qualité offerte est très élevée, et ce, dans une grande variété de styles de bière ; il faut se rappeler qu’il y a très peu d’endroits sur la planète où on peut facilement avoir accès chez le dépanneur spécialisé du coin à la fois à une Bitter anglaise de qualité, à une Triple belge digne de la Belgique, à une NEIPA calibre États-Unis et à une Saison sauvage élégante et raffinée…

Nos brasseurs maîtrisent les traditions brassicoles, on parle donc beaucoup que la suite logique serait de mieux connaître son propre terroir et de développer son identité propre grâce à l’utilisation et à la mise en valeur de ressources produites localement.

Par le passé, on a parfois associé les ingrédients québécois à une moins bonne qualité au niveau du goût dans le produit fini, mais c’est de moins en moins vrai et voici quelques bières pour le prouver.


La dégustation

Jaseur des neiges – Bière de blé – 4,8% – Boréale (Blainville)


Boréale est une microbrasserie qui valorise le savoir-faire québécois depuis plusieurs décennies et qui jouit présentement d’un grand réseau de distribution, même pour ses produits spéciaux brassés périodiquement. Ils nous proposent en ce moment la Jaseur des neiges, une bière inspirée des Witbiers (bière de blé ou « Blanche » d’inspiration belge), mais avec aromates locaux : le poivre des dunes, la baie de genièvre sauvage et la comptonie voyageuse. Les levures, malts et houblons proviennent également du Québec.

C’est frais, parfumé et épicé, allant chercher les saveurs habituelles d’agrumes, de blé et d’épices des bières « Blanches », mais avec un côté plus boréal, forestier, unique et caractéristique à nos ingrédients québécois. C’est donc une bonne bière de blé, atypique mais sans prétention, qui se laisse boire très facilement.


Pourpre – Bière sure, sauvage et fruitée – 6,2% – Robin Bière Naturelle (Waterloo)


Robin Bière Naturelle est probablement un des secrets les mieux gardés du monde des microbrasseries québécoises, chose qui s’explique probablement par la distribution limitée et le prix un peu plus dispendieux que la moyenne. Ils nous proposent toutefois d’excellents produits, la plupart dans un créneau de bières sauvages à base d’assemblages de Saisons.

Avec la Pourpre, c’est la camerise (un petit fruit bleu qui ressemble à un bleuet allongé) de l’Estrie qui est mise en valeur. Le fruit est donc bien goûteux, étant rehaussé par une acidité vive et une certaine complexité rustique et sauvage. C’est le genre de bouteille, élégante, qui a certainement sa place à table.


La Fossile – Bière fumée – 6% – La Mouche (Natashquan) et Harricana (Montréal)


Voilà un produit très original que j’ai beaucoup apprécié dernièrement. Issu de la collaboration entre la Mouche, Harricana et Martin Thibault (les Coureurs des Boires), la Fossile est une bière de blé fumé à la tourbe de Natashquan avec infusion aux branches de mélèze cueillies le matin même du brassage. Comme si ce n’était pas assez, la bière a aussi été fermenté avec des levures saccharomyces isolées localement à partir de genévriers.

Le résultat est particulier et ne conviendra probablement pas à tous, alliant des arômes tourbés, minéraux et très fumés qui restent bien en bouche après chacune des gorgées. Librement inspirée des traditions brassicoles fermières scandinaves, la Fossile vient nous donner un aperçu de tout le potentiel gustatif dont sont capables nos ressources québécoises lorsqu’on fait preuve d’un peu d’imagination.


Conclusion

Plus qu’une simple initiative d’encouragement des entreprises locales, la création et le développement du terroir québécois passe donc nécessairement par une meilleure connaissance et une meilleure mise en valeur des ingrédients qui sont typiques à notre territoire. Parfois, il faut faire preuve d’un peu d’ouverture d’esprit pour apprécier ces produits à leur juste valeur, mais la qualité sans cesse croissante et l’inventivité de nos brasseurs sauront sans aucun doute, d’ici quelques années, déployer tout le potentiel des ingrédients québécois.

Pour plus de suggestions de bières de microbrasseries québécoises à essayer, rendez-vous sur le site de L’amateurdebière.com!