Introduction

Ce mois-ci, je vous propose un retour dans le passé. J’avais envie de vous présenter 10 bières qui ont à mon avis marqué le Québec brassicole au cours des dernières décennies. Mes critères sont ici surtout l’influence qu’elles ont eu sur les microbrasseries du Québec, sur les tendances et les styles qui ont suivi. Allons-y en ordre chronologique!


-1988 : Rousse de Boréale

Mon top débute à la fin des années 1980, dans un marché qui était alors principalement constitué de Lagers blondes plus ou moins insipides, mais surtout similaires. Boréale arrive alors avec sa Rousse, inspirée des Red Ales irlandaises et anglaises, qui vient casser l’image qu’une bière doit absolument être pâle et translucide. On se met alors à déguster avec les yeux et à appeler les bières par leur couleur : une « blonde », une « blanche », une « rousse », une « noire », une façon de faire qui tend à s’effacer aujourd’hui avec les bières de microbrasseries qui se basent plus sur les styles que sur leurs couleurs, mais qui reste toujours ancrée. Gustativement, il se fait maintenant mieux dans le style au Québec, mais ça demeure tout de même une bonne bière de soif (comme toute la gamme régulière de Boréale d’ailleurs) qui a su tracer le chemin à toutes celles qui ont suivi.


-1994 : La Fin du Monde d’Unibroue

Aujourd’hui la Fin du Monde fait partie intégrante du paysage brassicole. On lève parfois le nez dessus ; moi-même j’avoue ne pas être le plus grand fan des levures belges très expressives et parfumées d’Unibroue. Par contre, il ne faut pas oublier toutes les avancées qu’on permit ces bières dans le monde microbrassicole, ne serait-ce que de faire goûter autre chose au consommateur. Ce sont parmi les premières bières québécoises à visées gastronomiques (on se souviendra par exemple de l’accord Trois-Pistoles et chocolat noir), qui se présentent avec l’image d’un produit de qualité qui a sa place à table. La Fin du Monde est probablement leur bière emblématique, celle qui possède toutes les qualités recherchées chez une bière belge de dégustation.

Source de l’image : La presse, 9 février 1994, D2. Économie. Consulté sur BAnQ Numérique : https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2177248?docsearchtext=fin%20du%20monde%20charlebois


-1999 : Solstice d’Été de Dieu du Ciel!

La Solstice d’Été est probablement l’une des premières bières sures du Québec, étant apparue tout juste avant les années 2000. Aujourd’hui, elle est un peu plus prise pour acquis mais si on remonte il y a à peine quelques années, il était toujours difficile de s’en procurer en bouteille tellement les amateurs se les arrachaient. Inspirée des Berliner Weisse allemandes et possédant une acidité lactique tranchante, sa version classique est agrémentée de framboises, mais on voit rapidement apparaître différentes variantes avec d’autres fruits comme la cerise, la mûre, la prune ou la mangue… C’est de plus (si on exclut les bières sauvages et autres assemblages) toujours aujourd’hui probablement l’une des meilleures bières sures à la framboise disponibles au Québec.

Source de l’image : L’amateur de bière.com


-2001 : Péché Mortel de Dieu du Ciel!

Une autre bière de la Brasserie Dieu du Ciel! dans cet article des bières marquantes! Avec le Speedway Stout de la microbrasserie californienne AleSmith, la Péché Mortel de Dieu du Ciel! est probablement le premier Stout au café. Oui oui, au monde. Bien que le mariage entre café et grain torréfié semble aujourd’hui aller de soi, c’était une expérimentation toute nouvelle vers le début des années 2000. Certaines bières mentionnées dans cet article sont présentes plus pour leur valeur « historique » que gustative ; mais ce n’est définitivement pas le cas pour la Péché Mortel, qui est toujours aussi délicieuse aujourd’hui et qui se trouve certainement encore actuellement parmi les meilleurs Stouts impériaux du Canada. Sa version affinée en barriques de bourbon est d’autant plus recherchée par les amateurs.


-Vers 2007 : Porter Baltique des Trois Mousquetaires

La microbrasserie Les Trois Mousquetaires est une autre de ces brasseries qui ont à mon avis marqué le Québec. Dès leurs débuts, ils ont brassé plusieurs styles qui n’étaient alors pas très communs dans la province, des styles d’inspiration allemande par exemple. Leurs grandes bouteilles élégantes visaient également à être invitées à table ou encore partagées lors d’une dégustation. Le Porter Baltique est un autre de ces styles européens qui étaient rarement brassés, et qui sans être une interprétation totalement « traditionnelle » est à mon avis toujours aujourd’hui LA référence en la matière au Québec. Ses différentes versions barriquées, dont la plus fréquemment retrouvées est celle affinée en barriques de bourbon et brandy, sont également dignes de mention.


-Vers 2009 : Buteuse BS de Trou du Diable

Je n’ai pas assez d’espace dans cet article pour consacrer un paragraphe à la Microbrasserie Charlevoix, je le fais donc ici! Leurs différentes bières d’inspiration belge comme la Dominus Vobiscum Double ou la Dominus Vobiscum Triple poussaient déjà plus loin l’inspiration belge et gastronomique qu’avait entamé Unibroue avec ses bières vers la fin des années 1990 et le début des années 2000. Un autre joueur, arrivé un peu plus tard, s’est également démarqué initialement avec quelques bières d’inspiration belge, comme la Saison du Tracteur ou encore la Buteuse, une Triple belge : j’ai nommé Trou du Diable. Ils nous proposaient sporadiquement la Buteuse Brassin Spécial,une version vieillie en barriques de brandy avec des levures sauvages, deux procédés qui étaient à l’époque relativement rares au Québec. Ces brassins disponibles en quantités limitées étaient toujours recherchés par les amateurs et les tablettes qui les accueillaient se dégarnissaient très rapidement. Aujourd’hui, Trou du Diable, qui appartient à Molson Coors, ne fait plus autant courir les amateurs, mais en contrepartie leurs bières se retrouvent maintenant un peu partout au Québec grâce à un plus réseau de distribution en épiceries et restaurants.

Source de l’image : L’amateur de bière.com


-Vers 2013 : Yakima du Castor

Il fût un temps au début des années 2010 où la NEIPA n’existait pas encore (au Québec du moins) et où la West Coast IPA commençait à se faire de plus en plus aromatique. Plusieurs microbrasseries emboîtaient le pas avec des bières de plus en plus fruitées et qui nourrissaient fortement le hype auprès des amateurs. Vous vous souvenez peut-être de la Double IPA des Trois Mousquetaires (qui sortait une fois par année lors d’un release spécial), de la Cyclope Alpha de Dunham ou de la O de Brasseurs Illimités/Simple Malt qui a créé un engouement monstre. La Yakima du Castor est probablement celle qui a le plus marqué les esprits avec ses arômes d’agrumes qui étaient particulièrement puissants à cette époque où les NEIPA ne faisaient pas encore partie du portrait brassicole.

Source de l’image : L’amateur de bière.com


-Vers 2014 : Saison du Pinacle de Dunham

La Brasserie Dunham s’est rapidement démarquée, vers le début des années 2010, avec ses bières de type Saison belge, et éventuellement ses assemblages de Saisons et autres bières barriquées. La Saison du Pinacle est une bière qui est toujours brassée périodiquement et qui fait toujours preuve d’une grande qualité. Il s’agit d’une Saison belge typique, mais avec un houblonnage à froid bien dosé, qui vient seulement ajouter un peu de fraîcheur et quelques notes fruitées. J’ai choisi de nommer ici la Saison du Pinacle, mais j’aurais pu mentionner plusieurs autres Saisons qui étaient régulièrement brassées à cette époque comme la Saison Rustique ou la Saison Réserve. Tout comme chez Dieu du Ciel!, je trouve aussi que Dunham arrivait à se démarquer dans ses débuts par sa grande variété de styles brassés, et ce tout en proposant une qualité enviable. Encore une fois, les grandes bouteilles de 750 ml visaient souvent le contexte gastronomique et convivial.


-2016 : IPA du Nord-Est de Boréale

Voici une autre bière de Boréale, qui a à mon avis marqué l’histoire microbrassicole québécoise à deux reprises, cette fois avec sa IPA du Nord-Est en 2016. Ce n’est pas la première NEIPA à avoir été brassée dans la province, mais c’est certainement celle qui a fait connaître le style et qui en est devenue l’emblème. Son côté très fruité et plus sucré ou juteux que ce à quoi on était habitué jusqu’alors avait tout pour séduire les amateurs comme les néophytes. Il faut se rappeler que celle-ci était également très difficile à se procurer au moment de ses premiers brassins.


-2017 : Perséides de Pit Caribou

C’est surtout le contexte derrière cette bière qui fait qu’elle est marquante je crois. C’est la première bière de fermentation spontanée réalisée légalement au Québec suite aux démarches des brasseurs pour faire modifier la loi à cet effet. L’univers de la fermentation spontanée n’est à l’heure actuelle toujours pas très développé au Québec, mais c’est au long terme que le domaine va se perfectionner et il est indéniable que la Perséides ait ouvert tout un monde de possibilités : des tests de la part d’À la Fût, Robin Bière Naturelle, BG Brasserie Urbaine ou encore Brett & Sauvage sont plus que concluants!


Conclusion

J’ai probablement oublié plusieurs bières marquantes, un top 10 ce n’est vraiment pas assez! Bien que la plupart des bières mentionnées ici semblent assez « old school », il ne faut pas oublier l’importance qu’elles ont eu pour le monde microbrassicole québécois en émergence. Elles peuvent de plus toujours être intéressantes à redécouvrir plusieurs années après leur sortie initiale.

N’hésitez pas à nous dire en commentaires quelles sont selon vous les bières ont marqué le Québec brassicole, ou encore qui vous on marqué à un niveau plus personnel?

En terminant, si vous désirez plus de suggestions de bières à déguster, que ce soient des nouveautés ou des classiques, suivez-moi sur L’amateur de bière.com!