L’hiver s’est installé comme un batteur de black metal qui refuse de lever les pieds de ses pédales de bass drums. Les premières bordées de neige swompeuse ont déjà englobé les trottoirs, et les automobilistes se sont rués vers les garages pour installer leurs pneus d’hiver dans un ballet plutôt chaotique, digne d’un circle pit matinal, devant l’entrée du Canadian Tire. Et pendant que la neige s’entête à tomber, plusieurs d’entre nous tentent déjà de monter leur sapin de Noël, lors d’un dimanche après-midi, réalisant trop tard que la guirlande entremêlée dans le fond de la boîte offre bien souvent plus de résistance qu’un set de Marduk, en pleine puissance. On finit par se dire que si la patience était un genre musical, elle ne ferait clairement pas partie du metal extrême.
Rendu à la fin du mois de novembre, les sorties metal se font généralement plus modestes, plus rares. Les étiquettes de disques tentent de boucler l’année en douceur, comme si les labels savaient qu’après trois heures de décoration du salon, le brassage de pouille se voulait réservé aux plus téméraires du lot. On se dit alors qu’il ne reste plus tellement de surprises au calendrier, que le frigo de metal est presque vide, un peu comme l’inspiration quand vient le temps d’accrocher l’étoile au sommet du sapin, en équilibre précaire sur le bout du tabouret, en chaussettes.
Et puis Summoning Hellgates surgit, sans prévenir, tel le moment où la prise électrique accepte enfin votre jeu de lumières médiéval, après dix essais ratés, mais avec beaucoup plus de blast beats, de guitares affutées et nettement moins de magie festive dans les yeux de l’être aimé. Une arrivée brutale, inattendue et franchement bienvenue.
Car ce duo métallique, lié aux formations Aversio Humanitatis et Sota de Bastos, ne fait absolument pas dans la dentelle. Par exemple, Spear of Conquest est un mini-album d’un death metal vigoureux, belliqueux, bardé de ronces black metal et exécuté avec une intensité qui frôle parfois l’hystérie contrôlée. Dès la pièce du nom de Conciliábulo, qui vient après l’incantation qu’est Invokation, l’atmosphère est scellée : riffs tranchants, batterie en mode percée militaire, et un sens du chaos très méthodique qui évoque autant l’extrême que les élans plus ésotériques du black metal à l’esprit morbide. La pièce avance comme un rituel belliqueux, dense et abrasif, mais suffisamment articulé pour accrocher dès les premières salves de mitrailles.
Penser à Krisiun rencontre Immortal dans un bassin maléfique à la Angelcorpse.
Hostis Humani Generis – The Revenant pousse encore plus loin l’élan carnassier. Ici, Summoning Hellgates adopte une approche plus sinueuse, montre les canines mais avec des atmosphères, tout en conservant un socle death metal plutôt massif. Les variations rythmiques, les textures sombres et le registre vocal étouffé, plus caverneux, créent l’impression d’avancer dans un couloir venteux hostile. C’est une véritable tempête où l’on distingue difficilement, et à peine, la prochaine bourrasque.

Tongues in the Threshold fait partie des moments les plus réussis du mini-album. Le duo y expose une maîtrise impressionnante du contraste entre vitesse effrénée et passages plus lourdement ritualistes, même impétueux. C’est une composition où l’exécution devient presque incantatoire, un ragoût sonore qui rappelle que Summoning Hellgates sait marier efficacité et profondeur, sans jamais perdre le fil de la violence métallique.
Avec Prisoner of Your Own Flesh, on descend dans un registre plus épineux, presque suffocant. Les influences death metal y sont particulièrement dominantes, et le morceau installe un sentiment de claustrophobie écrasante, comme si les murs se resserraient au rythme des riffs, plutôt massifs. Le duo démontre ici un sens affûté de la dynamique, sachant quand accentuer la pression et quand laisser respirer. C’est un équilibre rare dans un format aussi crapuleux.
Enfin, Cilice of Atonement termine ce mini-album avec une somptueuse énergie morbide. Il s’agit peut-être de la pièce la plus gigoteuse du lot, un condensé de lignes occultes, de mélodies grossièrement dégradées et de percussions digne d’une massue. Cette pièce agit comme une synthèse de l’identité du groupe : elle se veut agressive, sinistre, et pourtant dotée d’une rigueur musicale irréprochable.
Avec Spear of Conquest, Summoning Hellgates lance un premier missile particulièrement convaincant. Ce mini-album réussit à être concis sans être expéditif, dense sans être étouffant, et surtout, pertinent dans un paysage de fin d’année où bien des formations (ou plutôt labels!) préfèrent le processus de l’hibernation.
Voilà une sortie qui mérite hautement qu’on lui accorde quelques heures de chaleur humaine… ou du moins, une bonne paire d’écouteurs, un café brûlant ou stout tiède, et la certitude que tant qu’un groupe comme celui-ci surgit dans le blizzard de cette fin novembre, l’hiver sera un peu plus… long!
Disponible le 28 novembre sur Osmose Productions.
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