Lorsque j’ai reçu la copie promotionnelle de l’album précédent d’ARÐ, j’ai été séduit et ce, immédiatement. Cet album du nom de Take Up My Bones m’amenait là où aucun autre groupe ne m’avait amené. C’était une sonorité triste, grise et au niveau des voix, ce n’était pas un chanteur conventionnel en tant que tel. C’était plutôt comme une série de moines, avec le style de chant grégorien et très liturgique, qui proposaient leur voix à l’unisson. Longue marche funèbre, ceci n’était aucunement un album festif. 

Projet en parallèle de Mark Deeks de Winterfylleth, on comprend rapidement qu’il avait besoin d’une échappatoire beaucoup plus doom et mélodieux face à son groupe régulier qui œuvre dans le black metal. Nous venant d’un musicien anglais, on comprend qu’il avait besoin de purger une musique qui se veut probablement en relation avec le climat maussade du pays.

En écoutant du ARÐ, tu entends une température merdique. Tu sens la pluie tomber et ruisseler sur le bout de ton nez. C’est lourd, triste et excessivement mélancolique. L’autre jour, je te dressais ma passion face à My Dying Bride, autre formation anglaise. Et bien avec cette formation qui se veut le groupe d’un seul homme, c’est la même passion face à une musique cafardeuse et morose.

Avec l’enchantement vécu grâce au premier album, cette copie promotionnelle pour Untouched By Fire arrivait à point. Mon écoute initiale s’est avérée correcte, sans plus. Je comprenais le buzz, le style mais la redondance était-elle en train de me gagner? Tout est passé très rapidement, sans le pincement que j’avais vécu avec l’album précédent. Le second tour de piste s’est avéré dans la même ligne d’esprit.

Est-ce qu’ARÐ se voulait un « one-trick pony », ce qui se traduirait aisément par un coup de foudre éphémère?

Ceci se voulait impossible. Un peu comme pour My Dying Bride, il fallait que je me transpose dans un environnement plus tristounet et/ou accablant. Je n’ai pas eu à réfléchir très longtemps car la vie m’a rappelé qu’elle peut être chiante et ce, pas à peu près. Après avoir eu de mauvaises nouvelles face au travail et à la famille, il y a eu la mort du chat et l’arrêt de fonctionnement de la part de la sécheuse.

Je sais, une sécheuse n’est que du matériel mais quand tout ça arrive en moins d’une semaine, tout ceci aide pour apprécier le caractère calamiteux de la musique d’ARÐ. Par contre, j’aurais pu m’en passer et me mettre dans la tête des souvenirs plus douloureux d’autrefois comme la mort de mon caneton Goldorak, le décès de notre chat Cooper qui a été frappé par un camion de livraison Amazon et celui de ma sœur, il y a 5 ans.

Le mood se voulait parfait pour retomber dans l’ambiance d’Untouched By Fire et en plus, il y a eu de la pluie en quantité. Avec ce type d’ambiance, je me suis retapé l’album et l’effet a été immédiat. Les pièces qui composent cet album m’ont amené au calme et à l’introspection. J’ai fait de l’ordre dans mes idées, dans mes pensées.

J’ai replacé toute cette série d’événements malheureux pour faire en sorte que mes prochaines décisions face aux prochains jours, aux prochaines semaines en plus des prochains mois seraient avantageuses pour ma famille, ainsi que pour mon environnement de travail… et la qualité du séchage de nos vêtements!

Tout ça, en entendant la complainte offerte par Hefenfelth, troisième pièce de cette production fuligineuse. C’est vraiment rendu à la troisième chanson que je me suis réveillé face à toutes mes réflexions, les deux premières pièces ayant été celles qui ont permis le brassage d’idées. La quatrième, He Saw Nine Winters a donné un certain éveil, comme un bon coup de pied dans le derrière. Celle qui te rappelle de cesser de t’appuyer sur ton sort, d’assumer que ce qui est arrivé est irréversible et de continuer de foncer.

En proposant ce qui se veut probablement des instruments à vent en introduction, Beset by Weapons n’est pas une pièce pour t’enthousiasmer, loin de là. Elle aussi te ramène vers toi-même et cette complainte se veut apaisante, ce qui offre un sentiment allégeant. En finale, Casket of Dust génère une guitare épique en ouverture pour nous laisser émaner une voix grave venant nous réconforter dans notre sentiment de perte. Cet effet d’assoupissement sera décuplé par la présence des voix en écho, marque de commerce pour ARÐ.

Il fallait que je redonne une chance, ou plutôt des chances, à cet album. En remettant Untouched By Fire à sa position de départ, j’ai été soufflé par les violons et violoncelles sur Cursed to Nothing but Patience et l’effet cathédrale de Name Bestowed m’a offert un tout nouveau souffle face à ma journée.

Effectivement, loin d’être une musique festive, je crois encore en l’existence de formations musicales prêtes à aider à la cicatrisation de l’âme et ARÐ en est une. Du moins, pour moi.

Disponible le 26 avril sur Prophecy Production.

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Photo : Gavin Forster