La bataille des fourches caudines au cours de la deuxième guerre samnite en 321 avant Jésus-Christ, fut une défaite si marquante pour la Rome antique qu’elle généra l’expression française « passer sous les fourches caudines », se disant lorsque quelqu’un doit passer une épreuve difficile et humiliante. C’est que les consuls romains Tiberius Veturius Calvinus et Spurius Postumius Albinus y furent coincés avec leurs troupes dans un haut et étroit défilé montagneux avant d’être passés sous le joug, lire réduits à l’état de bétail, par les Samnites qui y connurent une immense victoire morale et psychologique. En liant cette bataille historique à 2021 pour un anniversaire de 2342 ans dans le titre de son nouvel effort, le duo italien Dawn of a Dark Age de la ville d’Agnone, située tout près d’où eut lieu le célèbre affrontement d’ailleurs, a piqué ma curiosité. La question de départ était de savoir si la formation de black metal atmosphérique expérimental signée sur Antiq Label allait y incarner la victoire samnite ou y connaître ironiquement une passée sous lesdites fourches caudines?

Vengeant l’antique Aquilonia, Vittorio Sabelli (chant, tous instruments), Emanuele Prandoni (Chant) et toute une sélection de leurs amis sur divers instruments allant du saxophone à la cornemuse en passant par la clarinette, arrivent sans trop de peine à captiver l’auditoire avec leur approche musicale progressive, remportant donc le pari de leur originalité certaine. Effectivement, dès les sons de caligaes frappant le sol et les premières notes de Le Forche Caudine-Atto I nous sommes transportés dans des sonorités folkloriques qui font travailler l’imagination de l’auditeur. Sans jamais se répéter, les musiciens suivent les méandres de leur inspiration en évitant toutefois d’errer dans le non-sens, la poésie de l’italien chanté coulant telle une rivière serpentant dans les montagnes de Molise.

La seconde et ultime pièce, Le Forche Caudine-Atto II, quoique commençant sur une lourdeur plus doom, poursuit sur ce style de composition progressif et serpentin magnifié par une production impeccable. Quelques moments plus cinématographiques nous emmènent sur le champ de bataille entourés de cris et de chants de légionnaires. Le tout est d’autant plus impressionnant compte tenu de la diversité des instruments utilisés par les deux guerriers samnites et leurs acolytes, qui arrivent malgré la diversité de leur approche, à maintenir un cap cohérent. On a donc l’impression de vraiment écouter une histoire, sans même nécessairement comprendre la langue des paroles. L’album, à un peu moins de 40 minutes de durée, n’aura donc comme seul défaut d’être trop court.

En somme, Dawn of A Dark Age arrive plutôt facilement à ravir avec Le Forche Caudine 321 A.C.-2021 D.C. Effectivement, grâce à une originalité et une diversité bien encadrées par une direction artistique claire, l’opus aura tout pour satisfaire les amateurs d’un black metal plus original et exploratoire. Les plus difficiles auditeurs ne pourront que soulever la courte durée du diptyque qui aurait certainement pu mériter le suffixe « tri ». Qu’à cela ne tienne, cette sortie est fortement conseillée à tous les amateurs d’exploration musicale sans complexe. À écouter avec ouverture d’esprit et un manuel d’histoire romaine.