La Growlers Choir est une étrange créature issue de la scène métal québécoise. Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est une chorale composée de chanteurs métal provenant de différents groupes et le résultant est intrigant et déconcertant. En vue de leur prestation dans le cadre du Festival International Musique Actuelle de Victoriaville qui aura lieu le 22 mai prochain, je me suis entretenu avec le compositeur Pierre-Luc Senécal pour jaser de son projet insolite.

MP : Après un an de pandémie vous devez être fébriles à l’idée d’enfin faire votre spectacle au Festival International Musique Actuelle de Victoriaville. Comment ça s’est passé au niveau de la préparation en vue de l’événement?

PLS : Ç’a été tout un défi ! Trouver des locaux assez grands pour nous accueillir, garder la distanciation sociale, adapter les horaires quand l’heure du couvre-feu changeait… ça paraît simple dit comme ça, mais c’est pas évident de changer l’horaire de 15-16 personnes ! On avait fait l’exercice avec Hate.Machine de tout faire à distance, s’enregistrer chez nous… ça ne fonctionnait pas. On perdait l’esprit du groupe d’être ensemble, l’esprit de communauté, l’effet de « chœur » qui est le fondement du tone de l’instrument. Il fallait se rassembler. Pour le FIMAV, on a monté 60 minutes de musique en à peine 20 heures. Ç’a été un processus électrisant !

MP : Est-ce qu’il y a eu de gros changements au sein de projet depuis un an?

PLS : Oui, ç’a été une autre épreuve. Littéralement, au moment de commencer le projet, près du tiers du groupe a dû être renouvelé. Montréal a beau être une capitale mondiale du métal, ce n’est pas facile de trouver le type de growlers qu’on recherche ! Il ne s’agit pas seulement d’être bon. On cherche du monde allumé, motivé, ouvert d’esprit, qui ont le goût du risque. On recherche aussi certaines compétences musicales précises. On a mis les bouchées doubles pour trouver du monde solide. Résultat : on monte sur scène avec 14 growlers chauffés à bloc ! Ça sonne la tonne de brique.

MP : Vous avez l’intention de présenter combien de pièces au festival?

PLS : On a vraiment une super palette à offrir pour le festival. Les gens entendront une version bonifiée de The Dayking qu’on a jouée en mai 2019. On fera Hate.Machine, qu’on a lancé en octobre 2020. Aussi, la musique au FIMAV est axée sur l’expérimental et l’improvisation. On a créé des séquences d’improvisation (plus de 30 minutes de matériel) et on mélange du post-rock, de la musique noise, ambient, des jams, des effets sonores de monstres. On va dans plein d’univers très éclatés durant cette performance unique, tout en restant assez structuré. Bref, on va vous offrir tout un trip!

MP : Parlons plus du Growlers Choir en tant que tel. Je sens que votre projet est une grosse exploration trippante et que les possibilités sont vraiment multiples. À ton avis est-ce qu’il faut se garder une ligne directrice ou le free for all est de mise avec un projet comme celui-là?

PLS : J’ai une vision très claire dans ma tête (qui est un grand secret!). Ce que je peux dire, c’est que le chœur, dans un futur pas si lointain, va réaliser des trucs vraiment viscéraux, vraiment à la jonction entre le métal et une multitude de genres musicaux. Ma to-do list de compositions à faire est longue et vraiment trippante. Après, dans mes compositions, j’adore l’exploration, et me renouveler à chaque fois. J’ai la même approche pour Growlers Choir. Je suis quelqu’un de « free for all », et ça s’entendra certainement durant le show du FIMAV. De la sorte, le jour où il y aura un autre chœur de growlers dans le monde (je le souhaite), je sais que ça sonnera complètement différent.

MP : À ton avis, qu’est-ce ça prend pour faire partie de la Growlers Choir?

PLS : Être un.e bon.ne growler, être un.e bon.ne choriste être un.e bon.ne team player je dirais. C’est possible être écœurant au growl, et de pas être bon.ne choriste. On ne cherche pas des solistes. On veut du monde qui trippe à faire des choses éclatées, qui s’intègre bien au groupe et qui a une bonne attitude professionnelle.

MP : Jusqu’à maintenant vous avez fait quelques prestations live. Peux-tu me parler des réactions de la foule?

PLS : En fait, notre présence est surtout sur le web ! On a eu une seule vraie performance devant publique il y a maintenant 2 ans. On est vraiment reconnaissant que l’engouement pour le projet et l’idée perdure encore. C’est encore un projet vraiment d’actualité, et l’intérêt des gens est au rendez-vous. Ils trippent, ils rêvent, ils veulent entendre comme ça sonne. Et notre mandat c’est de les époustoufler, leur en mettre plein les oreilles. Venez le 22 mai à Victoriaville pour entendre. Sinon, on fait un show le 18 juin avec l’organisme Temps fort. 24 chanteurs classiques et 14 growlers métal dans une église de Montréal. Ça va être fou raide!

MP : Je sais qu’il y a beaucoup de têtes fortes au sein du projet. Est-ce que c’est difficile à gérer?

PLS : J’ai la tête plus forte qu’eux, alors ça se place ! Blague à part, être chef de chœur, ça implique d’être pédagogue, empathique et patient. Être bandmate (Growlers Choir, c’est un peu comme un gros gros band), ça implique aussi d’apprendre à travailler avec du monde. Avec cet esprit, on travaille bien ensemble et on accomplit beaucoup. Ce serait difficile de réaliser un tel projet avec une autre communauté que celle du métal. Les métalleux ont une férocité, un feu sacré qui rend le projet possible. J’ai essayé pendant plus de 10 ans trouver du monde avec qui travailler. Du monde du classique, de l’expérimental, du jazz, de la musique contemporaine, de la pop… C’est avec les métalleux que j’ai trouvé ma voie.

La Growlers Choir sera en prestation le 22 mai au FIMAV de Victoriaville et le 18 juin à Montréal