Source de l’image ci-haut : https://www.arborbrewing.in/post/arbor-beer-scope-libra-2023

Introduction

Eh non, cet article ne traitera pas de la perte d’équilibre que vous pourriez ressentir si vous buvez trop de bière dans une même séance de dégustation! Nous ne trancherons pas non plus la question : est-ce que la bière fait partie d’un mode de vie sain et équilibré? 😉

Évidemment, ce ne sont pas des sujets pour aujourd’hui! Nous aborderons plutôt dans cet article l’équilibre dans la bière et chez différents styles de bière. Qu’est-ce qu’on veut vraiment dire lorsqu’on parle d’une bière « bien équilibrée » ou « bien balancée »?


L’équilibre des sensations

Une bière dite « bien équilibrée » peut faire référence à son équilibre entre les différents paramètres du goût (sucré, acidité, salé, etc.). Plus précisément, lorsqu’on parle d’équilibre dans la bière, on désigne souvent le dosage entre le sucre et l’amertume. Lorsque ce dosage est bien réalisé, la bière ne semblera jamais trop sucrée ou trop amère puisque les deux aspects viennent se compléter.

Chez certaines bières plus « extrêmes », comme les Barleywines (ou vins d’orge) par exemple, on pourrait retrouver un semblant d’équilibre, mais qui se trouverait plus dans les excès justement : ce sont des bières qui se veulent à la fois très sucrées et très amères, on a donc une sensation d’équilibre, de rondeur, chez le Barleywine anglais par exemple.

À l’opposé, une bière délicate comme une Pilsner pourrait facilement être déséquilibrée au niveau de l’amertume si l’houblonnage est trop important, étant donné que la bière doit être assez sèche (« sec » et « sucré » sont des antonymes) à la base.

C’est ce qui explique entre autres pourquoi la mesure des IBU (International Bitterness Units) ne nous dit finalement pas grand-chose sur l’amertume finale d’une bière, puisqu’elle mesure le degré d’amertume absolu et non dans son contexte. Par exemple, une bière plus sucrée (une Scotch Ale par exemple) qui affiche 30 IBU ne semblerait probablement pas très amère alors que ce même degré chez une bière peu sucrée (disons, une Lager pâle) pourrait être excessivement amère.

Plusieurs autres sensations peuvent venir interférer dans notre sensation d’équilibre ou de déséquilibre. Chez les bières sures par exemples, vous remarquerez qu’une forte effervescence viendra amplifier la sensation d’acidité, ce qui pourrait venir biaiser nos impressions d’équilibre ou de déséquilibre.


L’équilibre des ingrédients

La bière est constituée de quatre ingrédients principaux : la céréale maltée, la levure, l’eau et le houblon. À ceux-ci peuvent être ajoutés différents ingrédients secondaires qui viendront influencer le profil gustatif de la bière : ce pourrait être un fruit, une épice ou un séjour en barriques par exemple.

L’idée d’une « bonne bière », d’un produit réussi, réfère souvent à une bière dans lequel l’apport de chacun des quatre ingrédients de base se veut à la fois adéquatement mis en valeur, bien dosé et en harmonie avec les autres.

Évidemment, chaque style de bière possède ses caractéristiques, indépendamment de l’équilibre recherché. Une IPA américaine classique (West Coast IPA) doit par exemple posséder une amertume tranchante, c’est un aspect qui est recherché par le brasseur et les amateurs, alors qu’une telle amertume pourrait être hors propos, venir débalancer la bière, dans un produit plus délicat comme une Blanche belge (Witbier) ou allemande (Hefeweizen).

C’est pourquoi plusieurs puristes en matière de bière n’apprécient pas certains styles relativement nouveaux comme la New England IPA ou la Smoothie Sour par exemple puisqu’ils considèrent que ce ne sont pas tous les ingrédients qui sont adéquatement mis en valeur : chez une NEIPA, c’est le houblon qui prend toute la place au profit des autres ingrédients, alors que chez la Smoothie ce sera plutôt la purée de fruits.


La dégustation

Je vous propose une petite sélection de produits à essayer présentement, tout en essayant d’illustrer la notion d’équilibre dans la bière chez chacune de celle-ci. Santé!


Sieben Hügel – Rauchbier – 5% – Dieu du Ciel! (Montréal / Saint-Jérôme)

La Sieben Hügel de Dieu du Ciel! est une Lager fumée inspirée de la Rauchbier allemande. Différentes bières font partie de la famille des Rauchbiers, mais celle-ci est un peu plus dorée ou ambrée que ce à quoi on est habitué au Québec dans le genre. On perçoit donc des arômes de malts fumés (dans une intensité moyenne) ainsi que de bois brûlé.

L’équilibre entre les ingrédients est un élément essentiel chez les bonnes Lagers, qui se veulent avant tout digestes, faciles à boire. Dans celle-ci, il y a un léger sucre résiduel qui donne une douce impression sucrée (sans que ça ne devienne trop prenant ou caramélisé par exemple). Par contre, une amertume grillée et herbacée de force moyenne (qui provient conjointement des malts et des houblons) vient amplement rétablir l’équilibre.


Better Run – NEIPA – 6,5% – Messorem Bracitorium (Montréal)

Better Run de Messorem Bracitorium est une New England IPA qui met en valeur les houblons Citra, Galaxy, Simcoe, Mosaic et Nelson Sauvin. Elle se caractérise évidemment par son côté très fruité et aromatique, qui peut évoquer par exemple l’orange, l’ananas, le fruit de la passion ou encore le pamplemousse. Une petite pointe « green » ainsi qu’une amertume herbacée et résineuse de force moyenne est retrouvée en finale.

Tel qu’abordé précédemment, la NEIPA n’est pas nécessairement un style de bière qui est reconnu pour son équilibre, du moins au niveau de l’utilisation de ses ingrédients. Le houblon prend en effet toute la place, et c’est d’ailleurs ce qui est recherché ici. Autant le malt que la levure ou l’eau se veulent dans ce contexte les plus subtils possibles, question de laisser uniquement les houblons s’exprimer. Bien que la NEIPA soit habituellement plutôt sucrée, on pourrait toutefois dire que certaines bières du style qui sont légèrement plus amères que la moyenne (comme c’est le cas chez la Better Run) sont relativement équilibrées entre sucre et amertume.


Gras Dur – Quadruple belge – 11% – La Chouape (Saint-Félicien)

La Gras Dur de la microbrasserie la Chouape est une Quadruple belge, ou Quadrupel. Il s’agit d’une bière inspirée de la tradition brassicole des abbayes belges, la plus foncée et la plus alcoolisée qui soit, qui plus est. Cette bière à la robe sombre nous propose donc des saveurs et arômes de mélasse, de caramel, de prunes, de dattes, de raisins secs, de cerises, d’épices, de pain rôti… C’est également plutôt terreux. La bière est sucrée, mais on détecte aussi une légère amertume grillée en arrière-plan.

Les bières belges se veulent souvent un peu plus sucrées. Par contre, l’équilibre demeure un élément clé à la réussite de ces styles. Cette Quadrupel se veut plus sucrée qu’amère, mais aucun des deux paramètres n’est assez puissant pour venir déséquilibrer le breuvage. Au niveau des ingrédients, les bières belges arrivent souvent à mettre en valeur un bel équilibre. Par exemple ici, le malt s’occupe du côté plus rôti et caramélisé, les houblons ne viennent qu’ajouter une douce amertume, et la levure développe toutes cette complexité de notes de fruits secs et d’épices, qui viennent se complémenter et s’harmoniser.


Conclusion

La notion d’équilibre dans la bière est parfois un peu galvaudée, elle ne désigne par exemple pas nécessairement un produit qui sera peu goûteux. Il faut aussi dire que l’équilibre n’est pas toujours un gage de qualité et que différents styles ou traditions nécessitent différents dosages des goûts et ingrédients. Pour une meilleure compréhension des caractéristiques recherchées chez différents styles de bière, je vous réfère à mon article sur le BJCP, toujours sur Ars Media Qc.

Sur ce, si vous désirez avoir plus de suggestions de bières de microbrasseries québécoises à essayer, rendez-vous sur L’amateur de bière.com!