Pandémie oblige, il y avait un peu plus de 2 ans que je n’avais pas foulé le plancher de La Source de la Martinière, alors qu’avant la pestilence j’y allais plusieurs fois par mois pour assister à de dionysiaques représentations de musique métalliques. Or, lorsque j’appris qu’y aurait enfin lieu un concert dédié aux courants plus atmosphériques du Black métal, je savais que mon retour en ce lieu de joyeuse débauche était imminent. C’est donc avec l’excitation des premières fois que je me précipitai dans mon bolide vers Limoilou, pour assister au lancement d’album d’Eos en compagnie d’Acédia et de Malebranche.

Il était un peu passé 20 heures quand les montréalais de Malebranche lancèrent les hostilités avec un son et des éclairages léchés devant un public de connaisseurs où se trouvait une bonne part de l’équipe d’Ars Média Qc. Fondée en 2014, la formation a déjà un trio de sorties à son actif, dont son premier album pleine-longueur, Morcelé, sorti en 2021 et un split enregistré justement avec Éos. S’inscrivant dans la tradition du Black métal atmosphérique, leur prestation fut dénuée de tout artifice scénique et d’interventions entre les chansons pour faire toute la place à l’atmosphère et à la musique. Le son magnifique sublima leur assemblage de motifs mélancoliques qui, dans leurs déclinaisons les plus mélodiques, peuvent parfois comporter des ressemblances avec Forteresse. La musique de Malebranche est toutefois moins orthodoxe et va pêcher dans des eaux plus diverses en présentant certains côté rock et progressifs. Ce fut donc une excellente entrée en matière pour la soirée, quoique que j’aurais préféré un vocal un peu plus nuancé et moins plaintif par moment.

C’était maintenant au tour d’Acédia de venir nous gratifier de leur Black métal musicalement complexe aux atmosphères dépressives. Forte d’un nouvel alignement accueillant Cadavre (Cantique Lépreux, Chasse-Galerie, Forteresse (live)) à la batterie et G. (Délétère, Eos) à la basse, la formation nous présenta beaucoup de pièces à paraître sur son troisième album qui est en cours de production. Toujours incisif, précis et solide, le quatuor qui a déjà plus de dix ans d’existence a démontré avec sa prestation qu’il n’a rien perdu pendant son hibernation forcée. Bien que le son soit légèrement moins clair que pendant la performance de son prédécesseur, Acédia sut tirer parti assez facilement de son expérience et je constatai aussi une amélioration au vocal de Pascal Landry (guitare, chant) qui a gagné en puissance et en pugnacité par rapport au passé. C’est donc un public heureux de cette joyeuse morbidité qui attendit l’arrivée de la tête d’affiche de la soirée.

Après l’entracte d’usage, Eos vint enfin nous présenter Les corps s’entrechoquent, son premier album pleine longueur publié en octobre dernier. Le quatuor mené par le batteur et chanteur se lança dans une interprétation plus solide que jamais de ses motifs cycliques aux nombreuses variations qui présentent maintenant des moments inusités plus élaborés que par le passé. L’approche musicale de la bande est donc plus expérimentale que jamais sans totalement laisser aller les motifs plus mélodiques et accrocheurs qui font la beauté d’un Black métal atmosphérique bien réussi. Eos démontra ainsi qu’il méritait sa place en tant que tête d’affiche de la soirée tout en nous présentant un nouveau matériel frais et recherché. On peut donc dire que la qualité et la constance furent au rendez-vous.

En somme, c’est donc la tête pleine de bon son et de noires images belles et terrifiantes que je remontai dans mon bolide pour retourner au bercail. Les trois groupes présents auront su livrer de solides prestations avec, en effet, un son de très grande qualité devant un public bien garni d’afficionados du genre exploré. En terminant, je désire remercier Antoine Pellerin et Jen-Mychaël Bernier pour l’organisation de la soirée et l’accréditation d’Ars Média Qc.

Photos par Corine Pepin