C’est rare, excessivement rare, que deux formations américaines et une suédoise débutent leur tournée au Québec. C’est le cas avec cette caravane qu’est celle de Mastodon, Opeth et Khemmis qui ont décidé d’entamer leur périple sur les routes nord-américaines à la Place Bell de Laval. C’est probablement pour avoir une foule conquise dès le début car nous savons que les deux groupes en tête d’affiche possèdent un statut de chouchous, ici même dans la Belle Province.

Je me suis donc rendu à la Place Bell avec mon fils, lui faisant croire que nous allions voir une partie du Rocket de Laval. Aucunement, voyons donc! Ma progéniture se veut métallifère à 50% donc quand vient le temps d’avoir un concert tous âges, mon fils en profite. Souper au Subway, j’étais surpris à quel point la nourriture entrait bien dans mon bedon malgré un brunch de Pâques excessivement copieux, quelques jours auparavant.

Le concert débutant à 19h00 pile, la température se voulait moche avec cette pluie et ce fond d’air plutôt froid. En même temps, je remarque qu’en entrant, il n’y a pas foule. Probablement que l’amateur commun et l’amatrice aient décidé de regarder la finale de District 31 avant d’arriver au concert.

Le temps de faire le plein de rafraichissement, de jaser avec quelques connaissances croisées au hasard et une visite au kiosque de merch, nous avons pu nous retrouver à nos sièges pour Khemmis car la présence de ce groupe est la raison de la présence de mon fils sur place.  

Visite dans cette ville égyptienne

L’annonce face à la présence de Khemmis a été faite tardivement. J’imagine que MastOpeth (je peux les appeler ainsi?) avait une série de choix et ils devaient regarder certains facteurs comme la faisabilité du périple dans cette période d’incertitude covidienne, dans un premier temps et aussi, quels étaient les groupes disponibles et vaccinés. Car tant qu’à choisir un groupe en ouverture, il vaut mieux de s’assurer que les musiciens pourront être présents tout au long du périple, pas seulement lors des dates non-canadiennes.

Le choix de MastOpeth s’étant arrêté sur Khemmis, il faut saluer la pertinence de ce choix. Avec leur doom très hard rock, leur musique se marie très bien au style aréna qui est maintenant la réalité des deux têtes d’affiche. Jouant en premier sur une petite portion de la scène, Khemmis a pu tout de même bénéficier d’une balance de son convenable, compte tenu de la précocité de la tournée.

En mode promotion face à l’album Deceiver, on comprend rapidement que le groupe ne pouvait pas totalement capitaliser sur ce dernier, le temps sur scène étant limité et leurs chansons étant plutôt de longs fleuves musicaux. Nous avons tout de même pu entendre Avernal Gate pour ouvrir le bal, lors de cette soirée inaugurale de ce périple métallique. Le groupe est à l’aise sur scène et on remarque rapidement la longue tignasse à la D’Artagnan de Phil Pendergast, chanteur et guitariste du groupe car lors de leur dernière visite, ce dernier avait le cheveu plutôt ras.

Nous avons eu droit aux pièces Three Gates, Living Pyre et la très dynamique Isolation. Absent du circuit des tournées depuis deux ans, nous pouvions voir aisément l’enthousiasme de Phil Pendergast, à la voix et à la guitare et il en était de même pour Ben Hutcherson qui lui, s’exprime beaucoup mieux en se balançant amplement la pouille, du haut vers le bas.

L’occasion se voulait spéciale pour le groupe qui a maintenant un nouveau bassiste du nom de David Small, qui joue dans Glacial Tomb, l’autre groupe de Hutcherson.

Nombreux sont ceux qui se demandent ce que veut dire Khemmis. Non, ce n’est pas un personnage de Donjons & Dragons ou d’une maladie vénérienne, c’est plutôt le nom d’une ancienne cité égyptienne. Déçu/e? Je n’y peux rien!

En guise de sortie de scène, après une vingtaine de minutes, Khemmis a proposé leur reprise de A Conversation With Death, de Loyd Chandler, quoique j’aurais préféré leur version de Down in a Hole d’Alice in Chains.

Le poids du pachyderme

Mastodon a toujours été chéri par Montréal. Toujours. Dès que le groupe se retrouvait en tournée, Montréal se retrouvait sur l’itinéraire presqu’à chaque fois. Annonce du Heavy Montréal? Mastodon se retrouvait sur l’affiche, presque tout le temps. De ne pas avoir vu le groupe depuis des mois, je peux confirmer que le public d’ici a eu le temps de s’ennuyer (dernière visite il y a 5 ans!) et l’accueil face au groupe a été plutôt chaleureux.

Habitué de jouer sur des scènes de calibre d’arénas, Mastodon n’avait aucunement l’air perdu, jeudi soir, alors que le dernier album du groupe, le doublé qu’est Hushed & Grim a été balayé de long en large sur la scène de la Place Bell et ce, dès le début avec Pain With an Anchor mais elle a été suivie par Crystal Skull et Megalodon pour reprendre avec The Crux et la très accrocheuse Teardrinker.

Solide comme il se doit, le bassiste et chanteur Troy Sanders a mené le bal avec vigueur. Sa voix gagne en sagesse et ses prouesses vocales font maintenant de Sanders mon chanteur metal préféré. Le fond de la scène propose des animations qui vont de l’esthétique d’un groupe comme Tool aux animations plus psychédéliques.

Comme de raison, le jeu aux guitares du duo Kelliher/Hinds est toujours aussi redoutable. Les deux se complètent avec brio, échangeant les rythmiques et les leads avec précision sur des pièces comme Bladecatcher, Black Tongue et The Czar.

Aux percussions, les prouesses de Brann Dailor sont encore explosives. Avec un kit aussi minimaliste et proposant une image d’un poodle au-devant, il réussit encore à maximiser les gains et lorsqu’il utilise sa voix pour y aller en tant que chanteur principal, il ne manque aucun coup. Il est demeuré vigoureux sur Pushing the Tides et More Than I Could Chew.

Comme de raison, celui qui a vu Mastodon à L’X dans le temps ou en ouverture de Fear Factory au défunt Medley en 2004 aurait voulu entendre du vieux matériel. Mais il va falloir s’y faire. Le matériel des années Relapse semble s’amenuiser des listes de chansons jouées par Mastodon avec les années, surtout parce que le groupe produit de nouveaux albums. Mais d’avoir entendu Motherpuncher et la finale qu’a été Blood & Thunder nous confirme que ce matériel a vraiment bien vieilli et demeure ce qui fait bouger la foule, amplement.

La sortie de scène a été faite avec le groupe devant le public, laissant Brann Dailor y aller avec un monologue qui alliait humour, remerciements et une immense satisfaction face à leur retour à Montréal.

La progression suédoise

Plus haut, je vous parlais du défunt Medley. Je n’ai pas arrêté de penser aux nombreuses fois où j’ai pu voir Opeth, à cet endroit, alors que le groupe baignait amplement dans le death metal. Ce soir, il fallait se demander si les Suédois allaient nous dresser un portrait global de leur discographie ou plutôt, nous offrir une rétrospective de leur collection de chansons. Surtout que les chansons du groupe demeurent très longues et que leur temps sur scène demeure limité, aucun rappel n’est permis en mode double tête d’affiche!

Les Suédois avaient eux-aussi un nouveau membre sur scène. Effectivement, suite au départ du percussionniste Martin Axenrot, Opeth se retrouvait avec un trou derrière la scène. Après quelques recherches, le choix s’est arrêté sur Sami Karppinen, qui joue aussi avec Therion.

En mettant pied sur scène avec l’intro Livets Trädgård, le groupe a recueilli l’approbation du public et sur les premières mesures de Hjärtat vet vad handen gör, nous savions que nous allions avoir droit à du prog, majoritairement. Par la suite, l’espoir face à des mouvements plus death métalliques s’est éveillé grâce à la prestation de Ghost of Perdition.

De voir le jeu passionné de Martin Mendez à la basse demeure un bonbon pour l’œil. Il joue de son instrument de façon chaleureuse et il se laisse habiter par la musique. Plus technicien, Fredrik Akesson demeure concentré sur sa guitare tandis que Mikael Akerfeldt alterne entre sa voix mielleuse et son timbre courroucé, pour ensuite y aller de quelques lignes humoristiques entre chaque pièce. Un classique pour celui ou celle qui suit le groupe depuis quelques décennies maintenant.

Finalement, je me suis rendu compte, après avoir entendu Cusp of Eternity, The Devil’s Orchard et Sorceress qu’Opeth avait joué une chanson, par album. Je dois avouer que pour un concept, il se voulait fichtrement réussi. Par contre, je dois avouer que leur version de In My Time of Need m’a laissé plutôt froid, malgré que cette chanson demeure une pièce excessivement poignante. Par contre, le meilleur moment de la soirée reste The Drapery Falls, pièce maîtresse dans cette aventure qu’est Opeth.  

Donc, ce n’était pas une surdose de progressif, tel que craint en ouverture mais plutôt une macédoine face à la sonorité du groupe qui bat la chamade depuis plus de 3 décennies. La finale a été l’habituelle Deliverance, comme l’a précisé et confirmé Akerfeldt.

Ayant assisté de reculons au concert de Mastodon et Opeth, mon fils Renaud a tout de même su apprécier la présence des deux groupes. Et comme il le disait si bien : « Mastodon a été le meilleur, suivi par Khemmis. Opeth, ils font des chansons de moshpit et ensuite, des chansons pour dormir! Mais je connaissais quasiment toutes les chansons, ça joue dans maison depuis que je suis né! »

Sur cette série de phrases très sages, nous nous sommes dirigés vers le métro car aller à la Place Bell en automobile est probablement aussi facile que de faire de l’unicycle, tout en tricotant un foulard…  

Photos : Mihaela Petrescu (Laval, 21 avril 2022)