Uriah Heep est un groupe dont nous avons tous entendu parler. En effet, dans le fameux documentaire de Sam Dunn (Metal : Voyage au cœur de la bête), ce groupe est listé comme étant le groupe pionnier du métal progressif. De plus, comme mentionné plusieurs fois dans les ondes d’Ars Macabra, le nom d’une de leurs plus grandes chansons est utilisé pour nommer une fête nationale en Bulgarie, qui célèbre le Rock et la liberté. Plus précisément, cette fête et cette chanson symbolisent, en quelque sorte, la libération du pays de l’Union soviétique.

Fondé à Londres en 1969, le groupe célèbre son 54e anniversaire en 2023 avec un nouvel album, intitulé Chaos & Colour. Cet album met en vedette le seul et unique membre original de la formation Mick Box, Bernie Shaw (le chanteur depuis 1986), Russell Gilbrook (qui a travaillé avec plusieurs artistes tels que Tony Iommi, Van Morrison et Tobias Sammet, pour n’en nommer que quelques-uns), Phil Lanzon, et Dave Rimmer. Est-ce que cet effort ajoute une valeur au marché, ou bien Mick Box devrait prendre sa retraite?

D’un point de vue «contenant», il n’y a pas grand chose à dire. C’est un produit bien le fun, qui vient avec une patch avec les initiales du logo actuel du groupe. La pochette est décente et assez plaisante, mais ce n’est rien de trop extravagant.

Au niveau du contenu, il y en a pas mal à dire. La pièce Save Me Tonight, composée par le bassiste Dave Rimmer et le musicien légendaire Jeff Scott Soto (Yngwie Malmsteen, Axel Rudi Pell, Son of Apollo et Trans-Siberian Orchestra entre autres) démarre l’album en force avec son élan d’énergie. On reconnait tout de suite la sonorité typique «années 70» du clavier hurlant. La production est vraiment excellente, les instruments prennent la place qu’ils doivent prendre et c’est balancé assez fidèlement à ce dont on peut s’attendre du groupe. Mais ce qu’il y a d’encore plus satisfaisant est l’énergie des chansons, qui ne descend pas à mesure qu’on avance dans l’album. Il n’y a pas de mauvaise pièce dans toute cette œuvre mais force est d’admettre que le groupe a légèrement perdu sa personnalité au fil du temps. Les gros sons épiques, bizarres et limites psychédéliques du clavier hurlant, les pièces de 10 à 15 minutes à saveur prog, ou les harmonies vocales et chœurs marginaux, qui faisaient partie de la signature du groupe dans sa première décennie d’existence, ne sont plus vraiment proposés par le groupe.

À ce niveau, ils ne peuvent pas autant combler la faim de certains fans que les albums récents des groupes comme AC/DC ou Judas Priest. Par contre, ceux qui ont suivi l’évolution du groupe savent qu’ils ont plusieurs facettes et que malgré les nombreux changements de lineup (ce qui explique la discographie très hétérogène), une certaine base revient d’un album à l’autre. Cette base a un nom et ce nom est Mick Box. Un des grands albums qu’Uriah Heep a fait c’est Abominog en 1980 et il s’agit du premier album que Mick Box a géré. Cet album a amené Uriah Heep à un son plus «Hard Rock/Heavy Metal» traditionnel mais avec la touche du guitariste. Le groupe a dérogé d’Abominog pour se lancer dans le pop et quand ils a fait un retour en force avec Sea of Light (1995) , c’est un retour vers le son plus Abominog, mais avec une petite saveur 70’s. Depuis ce temps-là, quand il y a un album réussi qui sort sous le nom d’Uriah Heep c’est en suivant un peu cette formule.

Chaos & Colour ne fait pas exception à ce qui est mentionné ci-dessus et il s’agit exactement d’un exemple parfait de ce type de réussite. Mais là où c’est davantage impressionnant est qu’il y a des pièces qui ressortent solidement du lot et de ce point de vue, il s’agit d’un des meilleurs album post-Abominog. La pièce Hurricane, par exemple, est décoiffante. Hail the Sunrise, Freedom to be Free, One Nation One Sun sont absolument excellentes. L’album est somme tout assez heavy, surtout lorsqu’on le compare à ce qui peut se faire de nos jours (des groupes qui jouent dans les festivals métal mais qui sont vraiment atmosphériques). Ça s’enligne pour être un des albums qui ne passera pas inaperçu. Bien évidemment, on ne pourra jamais s’attendre à ré-entendre un autre Look at Yourself, Demons & Wizards, The Magician’s Birthday, ou un Salisbury, mais le groupe est clairement encore dans la course et les musiciens sont encore capables de composer des chansons mémorables.