Décidément, la fin de janvier laisse place à la beauté de février. Les saveurs hivernales sont toujours de mise, les tempêtes se radicalisent, la bière est délectable et Ellende vient nous glisser sous le nez son nouvel EP : Triebe, qui se veut en quelque sorte une poursuite améliorée de leur ancien EP Weltennacht.

Chapitre I : le Corbeau
La Grimace – Pastry Stout amande, cannelle, cacao, lactose et bleuet
10 %

Pour commencer, la semaine dernière était l’anniversaire d’Emporium Microbrasserie, mes chers voisins. Non seulement ont-ils contribué à mon bonheur en lançant une bière anniversaire, mais encore l’ont-ils produite en collaboration avec BreWksey.

On nous sert un Pastry Stout nommé La Grimace. Une robe à l’encre noire et au collet moka garni de bulles délicates remplissent mon verre. Au nez, c’est le bleuet, le cacao et le biscuit qui valsent. En bouche, c’est le bleuet compoté, l’érable et le gâteau aux carottes évoqué par les effluves de cannelle. La finale torréfiée et l’amande saluent la foule et quittent la scène pour terminer la gorgée en beauté.

C’est un peu comme la première pièce du EP d’Ellende : Triebe II. Un début soft qui ressemble étrangement à Nothing Else Matters, mais qui évidemment prend tout son sens en développant des harmonies plus complexes, volatiles et enivrantes au fil du morceau. Le piano et les violons ajoutent une douceur qui nous fait patiemment attendre la suite : une voix déchirante, furieuse et un rythme acerbe. C’est une musique qui permet de s’évader ou de se réchauffer après avoir pelleté une bonne bordée de neige. Pour l’extrait, c’est ici : Triebe II

Photo : Luce’Tensile

Chapitre II : le Charbon
La Choclito – Stout impériale au café brésilien, chocolat d’Équateur, vanille de Tahiti et lactose
10,6 %

Est aussi entrée dans ma vie la Choclito. Source de querelle entre consommateur aguerris dans plusieurs dépanneurs spécialisés, elle est maintenant au chaud à la maison, sans plaie ni coquard. À l’oeil, c’est charbonneux et le collet lui fait honneur en arborant ses bulles généreuses. Au nez, c’est matinal, torréfié et chocolaté sans avoir le bouquet trop sucré. En bouche, l’amertume du café et du cacao rendent l’élixir succulent. La vanille en épilogue permet d’apprécier l’équilibre entre les ingrédients de qualité qui constituent cette bière parfumée d’éclats exotiques.

On peut l’apprécier avec la deuxième pièce du EP : Weltennacht. Les premiers accords nous offrent une mélodie qui, on le sent, nous remettra sur pied. Les guitares sont souples et coulantes. Rapidement, les mécréantes cordes vocales s’éveillent et écartèlent le mur du son. On laisse ensuite doucement place aux transitions musicales, ce qui me laisse agréablement surprise chez Ellende. Pour terminer, on claque la porte sur ce morceau bien charnu considérant que les pièces se terminent de façon assez drastique.

Photo : Luce’Tensile

Chapitre III : l’Ébène et le Jais
La Cholula Bourbon – Stout impérial mexicain vieilli en fût de bourbon
9,5 %

J’ai bien connu la Cholula originale : du piment en cannisse, de l’or noir à mes papilles et de la braise en gorge. Cependant, on vient raffiner le produit ici. À l’œil, l’allure de la Cholula Bourbon demeure aussi funèbre que les cheveux de Blanche-Neige. On décime un collet grassouillet aux bulles dodues, mais qui se gêne au fil du verre. Au nez : impossible de se tromper. Ça sent l’américain et l’alcool fort. On perçoit aussi des notes de vanille et de chocolat. En bouche, le bourbon prend sa place, mais la confiserie et l’ivresse pourfendent la coupe. L’indécence de cette liqueur n’a plus de preuve à faire. Cependant, l’éruption pimentée de la Cholula originale me manque. Ça demeure toutefois un petit bijou à déguster.

Ça se termine doucement avec l’acoustique impeccable du dernier morceau Zwischen Sommer und Herbst, qui nous permet d’apprécier la sécheresse et la fatalité. Un peu plus loin, la tension est palpable avec l’utilisation d’une section entière de cordes basses. Vocalement, c’est perfide et souillé. Par la suite, l’effervescence des guitares nous mène vers une cadence sinueuse. Plus on avance, plus l’écume de cordes vocales nous donne envie d’aller se terrer au fond d’une tanière jusqu’à la saison nouvelle.

Photo : Luce’Tensile