Iron Maiden est un des groupes clés du heavy metal, qui fête son 46e anniversaire avec un 17e album studio, Senjutsu sorti le 3 septembre 2021. Leur dernier album, The Book Of Souls, est sorti le 4 septembre 2015. Ces six dernières années, le groupe n’a pas chômé avec deux tournées ambitieuses, dont la grandiose Legacy of the Beast, entre autres. Nous avons aussi eu le droit à 2 albums publics (live) de grande qualité. Toutefois, cela n’a pas empêché la formation de travailler dans l’ombre pour nous offrir un autre gros album de plus de 80 minutes en utilisant une formule similaire à l’album précédent (double CD ou triple vinyle). Où se situe donc cet album dans la discographie du groupe en termes de qualité? Pour cela, il faut analyser le contenu et le contenant.

L’album ouvre avec la chanson titre, Senjutsu, qui parle d’un peuple qui attend un envahisseur et qui élabore une stratégie de guerre. Cette pièce est une des plus originales que les gars d’Iron Maiden ont fait dans leur carrière. Le rythme est vraiment entrainant, le chant de Bruce Dickinson rayonne de passion, et les mélodies sont extrêmement accrocheuses et font un peu penser à Powerslave. Il s’agit de la meilleure ouverture d’album depuis Brave New World.

Stratego est une excellente pièce directe et dynamique, qui suit la recette gagnante du groupe avec les galops et les lignes vocales un peu opératiques mais mieux réussis que dans les deux albums précédents. En d’autres termes, les chants sont mieux réussis ici. Encore une fois, il y a un léger petit clin d’œil à Powerslave, surtout dans le riff d’introduction.

The Writing on the Wall est une autre surprise du groupe, où Adrian Smith et Bruce Dickinson ont incorporé un peu de Western et le résultat est plus qu’excellent. Encore une fois, la voix de Bruce transpire d’enthousiasme, et le solo de guitare sur cette chanson est particulièrement réussi. « The Writing on the Wall » est une expression idiomatique qui entend qu’un événement imminent apportera des problèmes ou une catastrophe et le concept est bâti avec plusieurs référents bibliques.

Lost in a Lost World est une pièce extrêmement poignante, lourde, et « proggy » signée Steve Harris qui parle de la disparition de tribus anciennes. C’est le genre d’œuvre qui s’écoute bien le poing dans les airs et le nœud dans la gorge.

Days of Future Past est extrêmement bien située dans l’album. C’est une chanson courte, épique, légère et très efficace qui est inspirée du personnage de Keanu Reeves du film Constantine, un homme condamné à traverser la terre pour se ressaisir après avoir été approuvé par Dieu, qui est un manipulateur narcissique. Les lignes de batterie de Nicko McBrain sont très entrainantes sur celle-là.

The Time Machine est un clin d’œil pas subtil à Dance of Death, dans laquelle on reconnait la chimie entre Steve Harris et Janick Gers dans le style de composition. Elle n’est pas à la hauteur de Dance of Death, mais elle se prend très bien, surtout pour les nostalgiques.

Darkest Hour est un des grands chef d’œuvres de cet album, une autre pièce lourde, sombre et poignante. Iron Maiden n’ont pas beaucoup de ballades, mais elles sont toutes au pire excellentes, que ce soit Wasted Love, Journeyman, ou Children of the Damned, et Darkest Hour n’est pas une exception. Cette œuvre d’art expose l’humain derrière Winston Churchill, qui l’a poussé à commettre beaucoup d’erreurs et qui démontre qu’il n’a pas été parfait dans son combat contre un des tyrans qui ont plongé l’Europe dans une folie, Adolf Hitler.

The Death of Celts est une très belle épopée de 10 minutes signée Steve Harris dont le sujet est explicité dans le titre. Il y a des éléments de musique celtique qui la distingue des autres pièces du compositeur et qui font que c’est un délice pour les oreilles. Elle rappelle tout de même un peu leur classique The Clansman.

The Parchment est une preuve qu’après 46 ans d’existence, on peut repousser la barre plus haute et atteindre un nouveau degré de maturité dans son art. Sérieusement, c’est ici que nous retrouvons les harmonies et les progressions d’accord les plus intéressantes de l’album. C’est aussi avec cette composition que Steve Harris exploite de façon optimale ses influences Prog Rock qu’il traine depuis son adolescence, notamment depuis qu’il a vu Genesis se produire sur scène. Ces influences se faisaient déjà sentir à l’époque de Piece of Mind, et il y a même un autre petit clin d’œil à Powerslave dans The Parchment.

Hell On Earth ferme l’album avec une thématique qui déplore l’outil que l’homme utilise depuis longtemps pour régler ses conflits, c’est-à-dire la guerre, qui ne fait que mettre de l’obscurité et de la noirceur. C’est un morceau épique et progressif qui, malgré sa longueur, est vraiment accrocheur et peut nous pousser à le fredonner une fois que l’album est terminé.

Au niveau du contenant, inutile de rappeler que nous parlons d’Iron Maiden. Le produit, dans son ensemble est visuellement très réussi. Ce n’est pas le meilleur Eddie du lot, mais certainement pas le pire. La thématique de guerre revient souvent, et les chansons ont quand même un certain lien entre elles, même s’il ne s’agit pas d’un album concept d’un bout à l’autre. C’est, somme toute, un produit très cohérent et complet. Le seul petit défaut de ce 17e album est la production un peu sourde. Il n’y a rien de dramatique, mais nous pouvons facilement trouver mieux sur le marché dans le domaine.

Finalement, pour répondre à la question initiale « où se situe Senjutsu dans la discographie d’Iron Maiden en termes de qualité ? », il faut y aller par élimination. Tout comme dans The Book of Souls, il n’y a aucune mauvaise pièce sur Senjutsu, mais il faut admettre que The Book of Souls contient quelques longueurs. Senjutsu est certainement meilleur que Final Frontier qui est le moins bon depuis le retour de Bruce. A Matter of Life and Death aurait pu être un meilleur album s’il n’avait pas la pièce Different World, mais puisque Senjutsu ne contient aucun remplissage dans le genre, il vient de le détrôner. Dance of Death contient parmi les meilleures chansons de la formation mais il contient aussi quelques pièces qui auraient pu être écartées. Là où le combat s’arrête pour Senjutsu c’est contre Brave New World. C’est toujours une question de goûts, mais Brave New World est tout simplement imbattable dans le genre. Senjutsu se retrouve donc à être le deuxième meilleur album de la formation depuis le retour de Bruce Dickinson. Par rapport à ce qu’ils ont fait avant Brave New World, Senjutsu est évidemment meilleur que Virtual XI, X Factor, Fear of the Dark, et No Prayer for the Dying. Évidemment, les intouchables d’Iron Maiden se trouvent entre le premier album et Seventh Son of a Seventh Son, mais le son du groupe a tout de même réussi l’épreuve du temps à travers son évolution et c’est ce qui explique pourquoi ils sont encore capables de nous foudroyer, et de faire parler d’eux. Senjutsu est facilement l’album de l’année et c’est un incontournable dans la discographie d’Iron Maiden.