Le cas de figure Enslaved 

Ce mois-ci, nous allons orienter notre chronique sur les coffrets vinyles. Leur conception, leur valeur et surtout est-ce impératif de les acheter? Ce premier article sera plus large, car il dresse la table pour d’autres qui pourront suivre le même modèle.  

Selon vous, qu’est-ce qui rend un coffret vinyle plus attrayant qu’un autre? Généralement, vous me répondrez le contenu musical, les extras qui viendront pimenter la sortie et le prix. Actuellement, quand un label désire produire un boîtier de collection, il y a deux écoles de pensé. Il est possible que vous trouviez que ma perception est très binaire, mais il y a très peu d’entre deux dans le milieu. Dans le coin blue, il y a ceux qui décident de se morfondre à la tâche pour en donner le plus possible aux fanatiques et qui sont forts soucieux des détails. Dans le coin opposé, il y a ceux qui désirent produire un coffret de type restauration rapide. Ce genre de parution a une signification beaucoup plus vaste qu’un simple regroupement d’albums à mon sens, car il s’agit d’un traitement de faveur afin de rendre hommage à la carrière d’un groupe. Alors, il ne faut surtout pas bâcler le travail sinon les acheteurs ne seront pas au rendez-vous. Évidemment, l’élaboration d’un boîtier de collection peut aussi avoir pour finalité de matérialiser physiquement un concept majestueux entourant la sortie d’une nouvelle parution ou simplement donner à un album culte l’attention qu’il mérite. Voyons maintenant ce que le coffret d’Enslaved avait à nous offrir lors de sa parution en 2009 tout en discutant de quelques généralités.

A) Le contenant

Quand on parle de coffret, on se figure un boîtier majestueux protégeant les précieux albums que nous allons acquérir. Dans la réalité, nous avons des labels qui produisent des boîtiers cartonnés assez rigides de qualité variable allant de l’excellence jusqu’à l’exécrable, ce qui est pour le moins embarrassant. D’autres labels préfèrent tout simplement utiliser du ‘’bois’’ mais de piètre qualité. Ce cas de figure implique une déception quant à la conception puisqu’on se rend aisément compte que le boîtier est générique, acheté en gros chez un distributeur et offre peu de personnalité. Vous me direz : «mais Michel, ils ne sont pas pour se payer un artisan pour créer un coffret le prix serait délirant!» Vous avez 100% raison, sauf qu’il y a une marge entre un coffret qui est une insulte à l’image/grandeur du groupe et un produit d’une plus grande qualité qui rend le groupe et le fan fier. A titre d’exemple, le coffret d’Enslaved conceptualisé par Viva Hate Records offre un cruel spectacle pour les yeux. L’assemblage est fragile, le ‘’bois’’ est d’une qualité plus que douteuse et les pointes des pentures incrustées dans le boîtier ont tendance à se détacher d’elles-mêmes laissant le couvercle se détacher. Afin de remédier à la situation, l’utilisation du marteau semble être la seule option viable, mais frapper trop fort risque de causer un détachement complet du fragile boîtier : un cauchemar. On comprend que Viva Hate a produit un coffret sans se soucier des détails techniques qui rendent l’expérience client satisfaisante. Mention honorable à la numérotation du coffret qui est indiquée à l’intérieur du couvercle, ce qui donne un certain sentiment d’appartenance au possesseur du boîtier. Le calvaire devient personnalisé, n’est-ce pas magique?

Photo : Discogs

B) Le contenu 

Si on s’attarde au contenu, vous me direz que c’est l’essentiel. Le boîtier offre 7 vinyles, une cassette de Yggdrasill, une boucle de ceinture et une casquette peu confortable ou simplement trop petite/grande selon la morphologie de votre boîte crânienne. Personne ne peut se plaindre de l’aspect musical si ce n’est des pochettes très vétustes. D’ailleurs, ces semblants de pochettes sont un peu trop grandes pour la taille du coffret ce qui peut occasionner des dommages au niveaux des coins de ces dernières, soupir! Est-ce que les petits extras compensent cette erreur? La réponse est évidemment non! Pour un groupe ayant orienté leur musique autour des concepts des runes, de la mythologie et des vikings, il est pour le moins étrange d’avoir offert une casquette et une boucle de ceinture à ses fans. Ce manque grotesque de vision rend ce coffret moins intéressant puisqu’il n’a pas d’essence/d’âme. En fait, ce projet ne se colle pas à ce que peut représenter le groupe ou du moins à l’image qu’on nous présente depuis leur formation. Je dirais même qu’une copie de la fameuse cagoule en cuir style BDSM qu’Ivar arborait avec élégance lors de la sortie de Frost aurait eu le mérite de se centrer sur l’imagerie du groupe.

Photo : Marco Cloutier

C) La valeur et l’intérêt

Est-ce que ces manques peuvent expliquer la faible valeur associée à ce coffret? Quand on prend en considération les paramètres de cet objet et qu’on le compare à d’autres coffrets, sa valeur est inférieure. Il est évident que les fréquentes rééditions d’Osmose découragent certains acheteur à payer entre 250 et 400$ canadiens pour une casquette et une boucle de ceinture. Si vous ne possédez aucun album d’Enslaved et qu’un ami vous le vend sans frais d’expédition, il s’agit d’un bon rapport qualité prix selon la version. Sinon, je vous suggère fortement d’acheter les albums qui manquent à votre collection et qui vous importent. Il arrive souvent que ce ne sont pas l’ensemble des parutions qui nous accrochent chez un artiste, alors pourquoi dépenser autant pour 3 ou 4 albums réellement intéressants? D’un autre côté, pour ceux dont le bonheur s’imbrique dans la logique de la complétion, vous trouverez peut être votre compte en vous le procurant selon vos standards de qualité. Malheureusement, cette parution n’aura été qu’une expérience de mise en marché et non un réel hommage à la grandeur d’Enslaved. Comme quoi le nom d’un groupe peut servir à vendre, mais la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. Parfois, je me demande à quel point les groupes sont impliqués dans le processus décisionnel entourant la conception d’un tel produit!