Certaines formations ne se cassent pas la tête quand vient le temps de nommer leurs albums. Baroness y va avec des noms de couleurs, Morbid Angel suit l’ordre alphabétique pour les titres et Lucifer suit l’ordre numérique tout en ajoutant le nom du groupe, juste avant le chiffre. Ce qui veut dire que pour leur cinquième album, il se nomme tout simplement Lucifer V. Le groupe était sur scène à Montréal en novembre dernier, en même temps que la Messe des Morts.

Cette visite était avec la formation culte Coven et certains ont eu à faire un choix déchirant entre une présence face à la Messe des Morts ou se présenter devant une célébration occulte. Quoiqu’il en soit, c’est avec leur nouvel album que l’année dans le domaine du heavy rock doom débute et c’est avec un enivrement certain que j’écris cette chronique.

Pour être franc, les deux dernières productions de Lucifer m’avaient laissé mi-figue mi-raisin. Je les trouvais correctes mais je trouvais que j’avais fait le tour de la patente un brin. Je comprenais le côté sombre et très yé-yé années ’70 mais la redondance a eu un impact sur mes écoutes face au groupe.

En voyant l’album dans ma série de nouveautés, j’ai même hésité d’en jaser, sentant que le tout serait probablement un copié-collé des dernières productions. Est-ce l’enthousiasme face au peu de nouveautés en ce début d’année? Je ne pense pas.

Mon année 2023 a été sous le signe du death metal et de pouvoir me taper un produit de qualité qui ne varge pas selon les pulsations des ténèbres sulfureuses, c’est probablement ce qui a allumé ma bougie. Dès que j’ai entendu Fallen Angel avec son gros riff croustillant et la superbe voix de Johanna Platow Andersson (autrefois Sadonis), je savais que j’étais retombé sous le charme. Pièce rythmée et très hard rock, elle place la barre très haute face à cet album. La suivante, At the Mortuary, est moins cadencée et se veut beaucoup plus doom, bluesée même lors de son ouverture. Par contre, le refrain se veut excessivement aguichant, me remettant directement sur la piste de la satisfaction.

Ensuite, Riding Reaper te permet de taper du pied et ce amplement. C’est chaleureux et les voix d’accompagnement se veulent langoureuses sur cette chanson que Tobias Forge aurait probablement aimé écrire. Avec Slow Dance In A Crypt, nous tombons dans un mood plus baladé, la ligne de guitare faisant très I Want You (She’s so Heavy) des Beatles. Par contre, la pugnacité de A Coffin Has No Silver Lining ramène le groupe en mode heavy. Le riff est entrainant, les voix s’entremêlent pour créer un effet unifiant et les percussions de Nicke Andersson demeurent précises.

L’introduction à la guitare acoustique nous laisse croire que Maculate Heart se voudra une balade sirupeuse mais au tiers de la pièce, Lucifer reprend le chemin du hard rock. Le refrain est puissant, Johanna est en pleine possession de ses moyens vocaux et la maîtrise des instruments en fusion avec les arrangements est telle que je me demandais si cette pièce n’étais pas une reprise de Fleetwood Mac ou de Heart.

Cette bombe de heavy rock stoner doom se poursuit avec The Dead Don’t Speak et Strange Sister. Par contre, la finale de l’album se veut plus langoureuse car Nothing Left To Lose But My Life demeure plus introspective et affligeante, me rappelant même I Still Love You de KISS.

Exercice plus que satisfaisant, c’est le genre d’album qui me fait du bien, question de bumper ça entre un spin du prochain Vltimas et la nouveauté de Necrophobic. Avec ce cinquième album plutôt réussi, il serait intéressant de voir Lucifer ouvrir sur une tournée de Ghost, question que le public adepte de cette troupe de goules puisse trouver une alternative qui les ramènerait, justement, aux rythmiques cauchemardesques de l’Opus Eponymous.

Disponible le 26 janvier sur Nuclear Blast Records.

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Photo: Dirk Behlau