Une Source de la Martinière bien fébrile attend pour un spectacle annoncé depuis un bon moment en ce mardi soir pluvieux. Quelques visages connus entrent dans la salle, mais le public ne fait pas partie de la troupe habituelle des concerts auxquels j’assiste normalement. Cependant, tous les âges y sont!

La ligne est longue pour se procurer le matériel promotionnel du groupe liturgique en tête d’affiche : Batushka. En fait, selon l’événement, la salle accueille 2 groupes (Hate et Batushka) comparativement à l’affiche qui en indique 3. En effet, pour une raison dont je préfère ignorer la cause, la formation Hideous Divinity n’est pas présente (à mon grand regret, puisque j’aurais bien aimé voir à l’oeuvre les Italiens fâchés de ce groupe de Death métal assez brutal).

HATE

C’est probablement pour cette raison que le concert debute avec un bon 30 minutes de retard. Facile. Hate ouvre le bal sans trop de fioritures, dos au public et avec une trame sonore pour mettre un peu d’ambiance. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils larguent les amarres pour se grounder dans une solide première pièce qui entraîne immédiatement le premier moshpit de la soirée.

Peu bavards et assez odorants (les personnes aux premières rangées vous le confirmeront), les 4 hommes de Hate livrent une performance vraiment «tight». Leur son est relativement riche, particulièrement celui du batteur Nar-Sil qui mitraille littéralement le plancher avec ses pédales. Il faut savoir que le groupe roule sa bosse depuis 1991 (avec un roulement assez important, excepté pour le chanteur/guitariste Adam the First Sinner).

D’ailleurs, je remarque peu de nuances dans le vocal de celui-ci. Cela n’en amenuise pas la qualité, c’est du Death après tout, mais j’apprécie davantage un vocal un peu moins boomy avec un peu plus de «tork»… des trippes quoi! Cependant, en choisissant un autre endroit dans la salle, ça semble se placer pendant la soirée.

Parlant de tork, quelle ne fut pas ma surprise de constater qu’il existait, encore en 2022 à Québec dans un show métal, l’effronterie de se faire ramasser, sans y aller de main morte, le postérieur par un hurluberlu. Eh oui, mesdames, pendant que vous vous penchez pour prendre un cliché, un inconnu peut toujours vous pogner une fesse allègrement sans que personne d’autre ne s’en rende compte… Et non, ce n’était pas une âme pure en détresse tentant de se sortir du moshpit.

Malgré cet épisode, je remets ma concentration sur le spectacle qui se poursuit en alternant des riffs tout aussi tortueux les uns que les autres. Le bassiste double souvent le vocal et le batteur continue de marteler ses peaux dans des descentes de toms assez fulgurantes.

Par contre, il suffit de quelques pièces pour rapidement faire le tour. Malgré que ceux-ci jouent des extraits de plusieurs albums, la plupart des morceaux se ressemblent et la performance devient un peu statique. Il y a peu de mouvement sur scène. Vous me direz : «le chanteur joue de la guitare aussi Sarah, c’est difficile de bouger», mais je vous répondrai qu’il n’y a pas que les déplacements sur scène qui créent du mouvement et la composition est toutefois rudimentaire. Il manque quelque chose :  une étincelle, une volonté de performer peut-être puisqu’entre une draft de vapoteuse à la barbe à papa et une wiff de swing, je ne sens pas ce petit quelque chose qui pourrait me plaire davantage. En fait, je sens le groupe fatigué ou un peu essoufflé malgré que les solos s’enchaînent. Ils connaissent leur set, mais ne l’enflamment pas devant nous.

Ça n’empêche pas le public d’adorer le tout et d’être crinqué par les pièces suivantes qui ont des attaques un peu plus vives et des segments instrumentaux plus intéressants. Enfin, on joue un peu avec les riffs, les breakdowns et le public. Mis à part pour la première pièce, le chanteur interagit pour la première fois avec la foule en demandant de faire du bruit. Voilà, c’est ce qu’il manquait pour motiver la place. Quelques riffs en corde vide suffisent pour relancer la machine et terminer la performance avec un «Merci beaucoup, See you next year!»


BATUSHKA

Je ne me lancerai pas ici dans la quérulente histoire du vieux / nouveau / real / fake Batushka. Je m’en tiendrai uniquement à la performance du groupe de Krzysztof Drabikowski alias Derph qui était sur les planches de la Source de la Martinière. Vous excuserez d’ailleurs mon polonais mal léché pour la suite de cet article.

Dès la fin de la partie de Hate, on installe une ambiance. De la musique contemplative de rituel joue entre les deux groupes. On peut palper l’excitation des gens qui ont déjà la petite couette mouillée dû à la chaleur et à l’humidité de la salle. La foule s’éparpille pour la pause tandis que d’autres se rapprochent de la scène.

C’est le moment où l’équipe technique sort son épine du jeu. Plusieurs membres du staff s’affairent à monter des chandeliers en tous genres sur scène avec des crânes, des encensoirs, des hôtels, des cadres et des présentoirs. Pour celles et ceux qui l’ignorent, Batushka possède un visuel prédominant dans ses performances. C’est souvent la raison pour laquelle les gens se déplacent d’ailleurs. C’est aussi ce que j’entends dans la foule.

Le groupe fait son entrée avec une marche macabre et solennelle, instruments et accessoires à la main. On allume des cierges, on remet des bougies au public et on se ground. Les premiers morceaux retentissent fort entre les murs de la Source de la Martnière. Le public adore et l’imposant personnage principal, Krzysztof, nous fait entendre les échos de sa voix, parfois chantée, parfois parlée.

Je reconnais Yekteniya III : Premudrost, spécifiquement lorsque j’entends les trois tintements du bol chantant tibétain typique de Batushka. La foule devient hystérique. Il faut croire que les classiques ne se démodent pas… et que dire des choeurs! J’ai été très impressionnée par la justesse des chants. Batushka possède de bons ténors dans ses rangs. L’équilibre est parfait et le son est plein, riche… Avec 7 personnes sur scène et quelques backing tracks, j’espère!

La suite est constituée d’excellents build ups, autant sous forme d’ambiance que de musique. Je remarque cependant que certains membres du public manquent énormément de respect et discutent au travers des moments clés de la performance, où la méditation et le silence sont plutôt de mise. Qu’à cela ne tienne, le groupe n’en est pas plus déconcentré qu’il le faut. Le son est impeccable. Le choix des pièces est aussi bien déterminé. On alterne entre les moments doux, effervescents, intenses, puissants et très campés. C’est très enracinant, lourd, lent, mais l’évolution et la discipline des musiciens rend la performance très fluide, surtout lors de passages à la guitare qui semblent très célestes.

Le blend très bien travaillé des instruments permet d’apprécier un son à sa juste valeur, malgré une salle qui ne rend pas justice au spectacle. Vers la fin, après 11 ou 12 pièces, on désescalade l’énergie et on revient aux sources, tranquillement. L’encens termine de brûler, les chandelles laissent couler leur cire jusqu’à plus soif et le groupe se retire de l’hôtel en file indienne. Un très beau moment passé avec Batushka!

Selon moi, ce groupe évolue et fait ses preuves dans une scène qui a un constant besoin d’originalité et de sens du spectacle.