Vendredi, je me suis dirigé vers le plateau Mont-Royal de bonne heure. Il faisait un soleil rayonnant, c’était juste assez frais pour porter le long-sleeve, celui de Suffocation faisait amplement l’affaire. Je m’étais dit qu’il était temps que j’aille prendre une bière au pub Pit Caribou. Après tout, ce pub est ouvert depuis 8 ans mais je n’y avais jamais mis le pied. Jamais adonné, que voulez-vous! En entrant dans la place, je m’aperçois qu’il y a quelques badauds qui sirotent un verre de cidre, de bière ou un cocktail. Attendant d’être dirigé vers une place, je me rends compte que Michel Rivard est assis, à ma droite, en train de gribouiller dans un cahier.

Mon esprit imbécile me dit qu’il est probablement en train de traduire en français les chansons de Mötley Crüe pour son concert au FEQ. Ceux qui suivent l’activité du FEQ, donc surtout les gens de Québec, il y a un meme qui est apparu sur Facebook/Instagram qui soulignait que Rivard ferait un hommage au groupe américain car il a été programmé lors de la même soirée.

Non, il doit griffonner autre chose. J’avais envie de lui dire, tout simplement, que ma chanson préférée de son répertoire est « C’est un Mur » mais je m’abstiens. J’ai ma semaine dans le casque, je veux une pinte, drette-là et je vais lui sacrer patience. Rivard est un monument de la chanson québécoise, un bâtisseur face à notre culture et il désire probablement la même chose que moi : décompresser en buvant sa bière. Anyway, je lui ai déjà parlé quand je travaillais sur le Vieux-Port, à Chicoutimi. Il avait donné un concert. Moi et une couple de poilus avions la tâche de monter sa loge. Notre boss imaginait que nous devions recevoir Mick Jagger et il agissait comme un méchant toecap, comme s’il était son garde du corps attitré, tassant les gens au passage en disant : « Laissez passer M. Rivard, svp! »

C’est même ce dernier qui lui avait demandé de se slacker un peu. Il avait pris le temps de nous demander quelques items précis, où se trouvaient telles choses et il nous avait demandé ce que nous étudions au Cegep. Quand je lui avais dit que j’étais en Lettres, il m’avait demandé si j’aimais la littérature québécoise. Je lui avais répondu que mon livre préféré était Le Libraire de Gérard Bessette.

C’était pas mal ça avec M. Rivard, cette légende de chez nous.

Je m’enlignais pour aller voir une autre légende, en soirée. C’est avec Abbath, l’un des architectes de la sonorité black métallique chez Immortal, que j’avais une rencontre musicale. Après mes deux pintes et un hot-dog à la viande de yack, j’ai pris mes cliques pis mes claques, direction le flamboyant cabaret La Tulipe.

Il est rare que j’assiste à des concerts à cet endroit, probablement une fois l’an. À chaque fois, je pense toujours à ce prix Nobel de la logistique qui a décidé d’acheter l’immeuble adjacent pour le transformer en condo, pour ensuite faire une plainte pour bruits excessifs… Cabochonnisme, puissance 1 000 000.

J’étais sur place vers 18h55, le temps de jaser avec Martin qui offre cette série de photos, justement. Avec lui et son ami, nous confirmions qu’il y avait quelques événements en cette soirée du vendredi. Blind Guardian était en ville, Soen aussi et Grimskunk paquetait le « Metropolis » pour une énième fois.

J’ai donc eu l’opportunité de voir et entendre tous les groupes de la soirée, un luxe que je ne peux me permettre lorsqu’un concert est en pleine semaine au Beanfield/Corona, par exemple. À 19h00 tapantes, Final Gasp est monté sur scène. Phénomène étrange, le groupe de Boston n’a pas fait de jokes sur le fait que les Canadiens ne sont pas en série mais que les Bruins eux, le sont. Et de plus, le groupe a commencé avec ce qui pourrait être leur chanson la moins intéressante du lot pour ensuite, faire augmenter mon intérêt face à leur emprise sur le goth rock.

Plus les trente minutes de leur présence avançaient, plus je trouvais que ce groupe se voulait intéressant. Tout en jasant entre deux chansons avec mon chummy Alex, je trouvais que ce groupe aurait bien fitté en ouverture de tournée pour Alice in Chains et Danzig, circa 1992. Prestation honnête par ce groupe qui est supposé être un sextet car généralement, Final Gasp propose un claviériste.  

Dans le metal extrême, Black Anvil est comme le Nevermore du début des années 2000 : le groupe est tout le temps booké, partout et pratiquement à toutes les fois! Avec leur black metal compétent, Black Anvil fait un travail convenable sur scène. Par contre, lorsque le guitariste Alex Volino tente les voix claires, c’est moins bien réussi. Avec sa demi-heure, les musiciens de New York ont été en mesure d’attirer regards et oreilles vers eux mais en général, les gens font un brin de boudin face à Black Anvil.

Est-ce pour la redondance sonore ou parce que le groupe propose des musiciens qui jouaient avant dans la formation hardcore Kill Your Idols? C’est probablement plus pour un mélange des deux raisons.

Imperial Triumphant était le groupe suivant et je dois avouer que j’en aurais pris pour une vingtaine de minutes de plus. Être un brin plus zezon, je te ferais un jeu de mots poche, du genre : « Ils sont repartis, triomphants! » mais je n’irai pas dans cette facilité.

Sur album, je dois avouer que je ne suis pas un féru de leurs compositions mais sur scène, c’est autre chose. Habiles musiciens qui œuvrent dans le jazz à la base, de voir leur combinaison de metal noirci teinté par le psychédélisme Voïvodien et la théâtralité d’un Ghost du début de carrière, j’étais plutôt étonné et agréablement surpris par leur aisance face au fait d’attaquer leurs instruments avec ce qui semble être une facilité déconcertante. 

Les mouvements sur scène du guitariste et du bassiste ont des effets hallucinants, surtout pour l’effet visuel créé par les capes, le côté moelleux de leurs vêtements de scène, tout cela sans laisser tomber les masques qui semblent plutôt lourds. Le bassiste est même venu dans la salle faire une petite tournée, pour remonter ensuite et s’accoter sur son stack d’amplificateur, tout bonnement.

Formation qui peut sembler difficile d’approche, c’est sur scène que le tout prend son sens!

C’est avec un logo de son nom de scène qu’Olve Eikemo est arrivé, en dernier, après que les membres de son groupe aient foulé les planches juste avant lui. Si la veille il avait fait son entrée au travers des gens dans la foule de la Source de la Martinière comme s’il allait faire son tour de chant au karaoké, l’entrée de scène sous les lumières aux teintes verdâtres se voulait plus grandiose et à la hauteur de la stature de celui que l’on connait sous le pseudonyme d’Abbath.

En tournée pour son dernier album Dread Reaver, il se voulait nécessaire d’y aller avec des pièces de cet album mais c’est avec To War! que le Norvégien a cassé la glace. Ensuite, Acid Haze et Dream Cull, qui proviennent du dernier album d’Abbath, se sont fait entendre et nous pouvions remarquer que le groupe se voulait solide, rapide et excessivement précis. C’est le début de la tournée, et ils ont soif!

Ensuite, il fallait bien s’attendre à des morceaux bien glaciaux d’Immortal. Ce sont In My Kingdom Cold, Beyond the North Waves et Nebular Ravens Winter qui se sont trouvées une place dans la soirée, laissant la foule dans un état euphorique rarement vu lors d’un concert de black metal.

De voir les participants en mode mosh, slammant à tout rompre et se projetant les uns dans les autres, ceci se voulait excessivement inhabituel. Certains participants, plus près des racines du genre, se tenaient à l’écart avec des regards du type : « Que se passe-t-il ici? Est-ce un concert de Lamb of God? »  

Il faut croire qu’Abbath attire un contingent de métalleux grand public, à moins que le tout soit en relation avec l’effet festif imposé par un vendredi soir, bien arrosé?

Question de saluer le catalogue complet, Abbath, toujours aussi imposant avec sa longue tignasse noire et son armure de combat, y est allé avec du matériel de son projet I. Ce sont Warriors et Battalions qui ont permis aux participants actifs de continuer leurs danses tordues, laissant revoler bières acquises à fort coût, glissant sur le plancher humide tout en recevant cet immense colosse en salopette qui avait des airs d’Hillbilly Jim de l’époque de la WWF. Sur scène, les musiciens demeurent concentrés, baignés dans des lumières qui demeuraient très sombres pour du vert et du rouge, laissant le tout énigmatique. La pièce The Artifex servait de tampon juste avant d’y aller pour une finale qui allait se vouloir « finale » avec One by One d’Immortal, Winterbane de l’album homonyme et All Shall Fall d’Immortal.

Entre les pièces, Abbath gardait sa voix black métallique pour nous faire la jasette. En mode sobriété, fort probablement, nous avons vu le côté plus sérieux du Norvégien et non pas la parcelle caricaturale des années précédentes. De le voir avec des musiciens aussi concentrés et impliqués face à une livraison musicale aussi bestiale m’a permis d’apprécier encore plus la prestation juste et rigoureuse d’Abbath.

En toute franchise, j’avais un brin la trouille de me retrouver devant un Abbath trop humoristique. Ce qui a été livré, vendredi, a remis des billes dans le cylindre de la positivité face à l’implication d’Olve Eikemo dans cette sphère sombre du metal.

Malgré l’acclamation de la foule qui en redemandait, les lumières se sont ouvertes pour que tout le monde puisse retrouver dans leurs pénates car après tout, c’était vendredi pour tout le monde.

Même pour Abbath et aussi, pour Michel Rivard

Toutes les photos : Martin Desbois de Ondes Chocs