J’adore les palindromes. « Elu par cette crapule » est sublime. « Esope reste ici et se repose » est hallucinant. « Kayak », « Laval » et « Radar » sont magnifiques. « Éric ciré » est moins glorieux mais au moins, on tient compte des accents aigus. Rion Noir est aussi un palindrome. Oui, je le sais, il manque un S à Rion pour que cela donne Rions, le verbe Rire à l’impératif présent à la première personne du pluriel, avec le sujet sous-entendu. Mais Rion, c’est aussi une marque de petit scooter électrique.  

Mais en ce mois d’août 2021, Rion Noir d’Oktoplut est un surtout un fichu de bon disque. Un album concept, double en plus, proposé par une formation de chez nous qui n’a pas peur de tenter, d’essayer, de prendre des chances et de réussir. Dans une société qui prend de moins en moins de temps pour faire une écoute complète d’un album et qui carbure surtout aux listes d’écoute ainsi qu’aux chansons à la pièce, de lancer un tel album est audacieux.

Fou, même?

Non, car l’amateur de rock bien lourd et de chansons bien ficelées trouve son compte avec un album qui possède un chrono aussi colossal. Sur Rion Noir, nous retrouvons des hymnes plutôt accrocheurs qui gigotent comme une barbotte prise dans le stoner, le metal et le punk crasse autant que dans de longs fleuves musicaux, juste assez bien noircis.

Plaisir musical absolu chez de nombreux métalleux, nous aimons le croustillant de la guitare, les voix d’accompagnement à la limite death métallique et surtout, les riffs. Oui, les riffs colossaux, comme ceux qui meublent Berceuse pour les Ceuzes qui Restent qui pourraient rendre jaloux Matt Pike de High on Fire. L’attaque vigoureuse sur RessasseressasseR est bien accompagnée par les voix susurrées qui ajoutent une touche métallique perfide à cette longue pièce qui se verse vers des tamtams.

De nombreux morceaux sur Rion Noir se jettent amplement dans un style hard rock pratiquement pop et assumé, un peu comme un Foo Fighters de l’époque des 3 premiers albums. C’est pourquoi un titre comme Casse Pas, avec sa cadence à la Eagles of Death Metal et ses arrangements électro-pop accrochent immédiatement. La pièce Qualia aurait pu se retrouver sur une trame sonore d’un film américain des années ’90 grâce à sa guitare ouverte, son chant clair et sa simplicité à te faire danser à la soirée des finissants, avec la reine du bal, Laney Boggs.

Avec son hi-hat tourbillonnant lors du refrain, Miroir Miroir demeure massivement accrocheuse. Même constat avec Sans Héros. Malgré son introduction un peu plus introspective, on tombe dans une parcelle gigantesque aux guitares où nous avons l’impression que le monstre du Sarlacc du Retour du Jedi vient nous gober, encore vivant. La cloche à vache sur Pris en Hiver t’invite à taper du pied avec ta botte de cowboy Boulet quoique que l’élan pris par la guitare lors du refrain se veuille d’une surpuissance rarement entendue sur un hymne rock d’ici!       

Évidence Impossible avec ses percussions lourdaudes, sa guitare punitive et les Houhouhhous en voix d’accompagnement, soutenues par un piano, nous démontrent un souci du détail et de l’importance des arrangements. Ce souci face aux arrangements se retrouve tout au long de l’album et ceci demeure la force majeure d’Oktoplut car malgré le fait que cette formation soit un duo, Rion Noir propose un mur musical puissant mais rempli de subtilités sonores.

Si les arrangements demeurent plus subtils dans l’amalgame de chansons plus punchées qui grouillent sur l’album, il demeure qu’ils soient bien audibles sur les compositions qui sont plutôt, introspectives. Sur Sommeil, Sous les Imperméables, S’en vient le Bruit, L’Origine d’une Rivière et Le Delta de l’Okavango (prenez le temps d’écouter cette pièce avec des écouteurs pour bien entendre la sonorité de l’octobasse qui se veut d’un gras cholestérolien) les subtilités sont plus perceptibles, étant donné que les guitares ne sont pas en mode attaque perpétuelle mais plutôt utilisées avec parcimonie.

Meilleur duo québécois depuis Les Jumelles Magma? Aucun doute là-dessus!

https://oktoplut.bandcamp.com/