Depuis quelques semaines et ce, très tôt le matin, je me rends compte qu’il y a de plus en plus de travaux sur des dépanneurs Couche-Tard. Pas sur le dépanneur en tant que tel mais plutôt sur la structure extérieure, celle qui annonce les couleurs de la bannière qui propose de l’essence. De Terrebonne à Montréal où je travaille, j’ai le temps d’en voir des Couche-Tard et j’ai remarqué le changement de garde au niveau du fournisseur d’essence. Tous les Ultramar, compagnie canadienne, deviennent des Esso.

Deux fois par semaine, j’arrête au Couche-Tard, le même, pour acheter des sacs de lait pour le travail. Pourquoi à cet endroit? C’est là le moins cher! J’ai développé une relation de small talk avec le commis de nuit (il est environ 6h10, quand je passe) et je lui ai demandé pourquoi ce changement de fournisseur, un peu partout sur le grand territoire? Il m’a dit qu’Esso avait acheté Ultramar. Pourtant, rien n’avait été ébruité dans les médias, Pierre-Yves McSween n’en a même pas parlé. Du moins, à ma connaissance.

J’ai donc pris ceci avec un grain de sel. Lorsque je me suis rendu au concert d’Amon Amarth, à Québec, je me suis arrêté mettre de l’essence à Lanoraie (il me semble…) sur le bord de la 40. C’était dans un Couche-Tard, bannière Ultramar. J’ai demandé à la caissière à quel moment le changement vers Esso serait fait. Elle m’a regardé avec un sourcil dubitatif, en me disant : « Couche-Tard a des ententes avec des fournisseurs d’essence. On m’a rien dit, moi. Un 6/49 avec ça? »

Sommes-nous en train de vivre les derniers moments d’Ultramar au Québec? Au Canada? Si je me fie au caissier de Terrebonne, oui. Celle de Lanoraie, c’est la zone grise. La fin d’un grand empire pétrolier? Possible. Le départ d’un joueur majeur de l’industrie de la gazoline, endroit de prédilection pour obtenir des points à échanger contre des verres estivaux affriolants et commanditaire de la série Lance et Compte. L’écroulement total au nom de l’impérialisme sauvage? Ceci semble inévitable.

Un peu comme la civilisation aztèque avec les derniers balbutiements de Tenochtitlan…

Ville très moderne vers 1325, le tout s’est gâté lors de l’arrivée de l’Européen avide des richesses de cette grande cité (qui deviendra Mexico par la suite) et qui l’a ravagée sans vergogne. L’attrait pécunier, le capitalisme et tous les détours pour parvenir à ses fins.

C’est sans doute ce que fait Esso avec Ultramar en le délogeant du marché, comme ce qui s’est produit avec la grande cité de Tenochtitlan. Le plus gros mange le plus vulnérable…

La thématique centrale chez Tzompantli (qui se traduirait aisément par étalage de crânes) est la civilisation aztèque, sa chute par la venue de l’Homme blanc et les rituels sacrificiels que cette civilisation effectuait pour s’attirer la grâce des divinités. Oui, c’est un portrait global plutôt brutal pour ce groupe américain aux origines mexicaines.

Mené par Brian Ortiz, guitariste chez Xibalba, on se rend compte qu’il porte de nombreux chapeaux dans ce projet en parallèle, ce qui en fait son groupe en tant que tel. À la base, lors du premier démo, Ortiz était seul mais maintenant, le collectif se veut plus large. Ils sont dorénavant 9 (oui, comme Slipknot) dans Tzompantli et Beating the Drums of Ancestral Force est le deuxième album du groupe… et n’a rien à voir avec la sonorité des gars de l’Iowa!

Effectivement, avec Tzompantli, nous sommes dans un death/doom avec influences tribales et c’est ce qui fait de cette formation, quelque chose de plutôt unique. Il aurait été facile de ne garder que les thèmes aztèques pour les paroles et sâprer le tout sur une musique lourde mais Tzompantli pousse le bouchon tribal, avec parcimonie par contre.

La vibe Xibalba est audible avec la guitare oppressive et la voix sulfureuse quoique la facture musicale se veuille plus près de ce que Primitive Man puisse offrir. Pas besoin de bretter très longtemps, dès que la première pièce Tetzahuitl, s’engage, c’est un amoncellement sonore de percussions, de guitares et ce qui est probablement une flûte qui imite les sonorités de la jungle comme des oiseaux ou des cris de singes. Ensuite, des cris tribaux nous dirigent vers un barrage sonore très moelleux, un death doom punitif est servi.

Tlayohualli te dépose la tête sur le monticule, la lame se lève, bien haute. Le coup sera lent mais meurtrier. Retour aux sonorités tribales sur Tlaloc Icuic avec un chant de type incantation servi sur des percussions antiques qui impliquent le spiritisme. L’intensité augmente, l’envoutement est inévitable. C’est une descente aux abymes avec Chichimecatl et ses guitares insondables, ses voix gutturales et son cri animal (probablement celui du loup ou du chacal) qui annonce l’attaque imminente.

Après avoir ramené quelques prisonniers, c’est un accueil par la tribu avec Tetzaviztli. Des tambours folkloriques annoncent l’arrivée des valeureux guerriers et par la suite, le rituel peut commencer avec guitares et autres percussions processionnelles sur chants de gorge bien rondouillards. Si tu croyais que Sepultura avait pousser la dimension tribale sur Roots, il faut comprendre que Tzompantli en est capable lui-aussi.      

Pour finir, la pièce Otlica Mictlan se veut aussi un gros morceau sanguinolent, quoique plus progressif avec ses changements de vitesse et autres ponts de brutalité. Et c’est avec 9 minutes que Icnocuicatl (qui se veut un type de poésie au Mexique qui veut dire « chant triste ») que le tout devient compressé, dominé par l’abattement et l’angoisse. Lente mais débordante de calamité, cette pièce termine l’album avec morosité.

Avec sa couverture flamboyante, estivale même, mais avec son contenu sévère, il faut se demander si ce disque se veut un excellent allié pour tes célébrations de cet été. Après avoir fait le plein d’essence d’été chez Ultramar, il te restera deux choses à te demander : « Est-ce que cet excellent album de Tzompantli va égayer mes baignades estivales et est-ce que la prochaine fois que j’irai pomper du gaz chez Ultramar, sera-t-il devenu un Esso? »

Disponible sur 20 Buck Spin Records.

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Photo : Luckee Ngin