Introduction

À l’approche de Noël, plusieurs microbrasseries mettent en marché des brassins spéciaux, idéals à offrir en cadeau à votre amateur ou amatrice de bière préféré(e). Il s’agit parfois de toutes nouvelles bières, mais d’autres fois encore ce sera plutôt des versions affinées en barriques de bières déjà existantes qui nous seront proposées. C’est ce dont j’avais envie de vous parler aujourd’hui : l’affinage de la bière!


Bref historique

Avant l’invention des cuves et fûts en acier inoxydable, c’était essentiellement des tonneaux de bois qui étaient utilisés pour la fermentation, la conservation, le transport et le service de la bière. On pourrait donc dire que la maturation en barriques ne date pas d’hier et que c’est même en quelque sorte un retour aux sources. Le but, à cette époque, n’était par contre habituellement pas le même qu’aujourd’hui ; il s’agissait plus d’une nécessité que d’un désir d’expérimentations.


Pour quelles raisons affiner la bière en barriques?

Barriques ayant contenu un autre type d’alcool

Lorsqu’un brasseur met l’une de ses bières en barriques, c’est qu’il considère qu’elle pourra se bonifier avec le temps. L’alcool qui était précédemment contenu dans la barrique s’est en effet imprégné dans le bois et pourra retransmettre certaines de ses qualités à la bière qui y séjournera par la suite. Une barrique de bourbon pourra par exemple conférer à la bière des notes de vanille ou de caramel typiques de ce genre d’alcool. Des barriques de vin pourront pour leur part apporter des accents fruités, vineux ou tanniques à la bière, dépendamment des subtilités présentes dans le vin en question. Les options sont nombreuses : barriques de whisky, scotch, rye, cognac, brandy, téquila, rhum, gin… C’est surtout la complémentarité des saveurs que l’on recherche lorsqu’on choisit le type de bière à faire maturer et dans quelles barriques ce processus serait le plus optimal. Le temps d’affinage est laissé à la discrétion du brasseur selon l’intensité qu’il désire, mais on considère habituellement qu’une période de 2 mois à 1 an sera nécessaire.

Une pratique qui est de plus en plus commune est le coupage de la bière barriquée. On pourra par exemple assembler un Stout impérial vieilli un an en fûts de bourbon avec la même bière non affinée afin de doser la puissance qui sera apportée par le fût. Parfois, c’est l’intensité qu’on recherche chez les bières barriquées, mais il faut aussi savoir y aller parfois avec parcimonie et équilibre : trop de bois ou d’alcool n’est pas souhaitable chez un produit de qualité.

Le foudre, pour sa part, est un type de baril différent, beaucoup plus grand et allongé, qui est utilisé pour la maturation de certains vins. Un vieillissement de la bière dans ce type de barrique apportera au breuvage des arômes plus subtils et nuancés, étant donné que moins de bière touche aux parois de bois à la fois.


Pour les bières sauvages

Certaines bières sauvages nécessitent de longues maturations en barriques, les levures sauvages, bactéries et autres micro-organismes se trouvant sur les parois de bois. Les brasseries de lambics belges par exemple réutilisent les mêmes barriques depuis des décennies. Dans ce cas-ci, le but n’est donc pas nécessairement d’infuser la bière avec les saveurs d’un alcool précédemment contenu par la barrique, mais plutôt de conserver la même flore sauvage et de la complexifier brassin après brassin.

Les bières dites de fermentation mixte nécessiteront également un passage en barriques. Lorsqu’on parle de fermentation mixte, on fait habituellement référence à une bière qui subirait une première fermentation plus traditionnelle (avec des levures à Ale par exemple), puis qui serait mise en barriques pour être refermentée avec les différentes levures sauvages et autres micro-organismes qui s’y trouvent. Les Rouges et Brunes des Flandres sont de bons exemples de cette pratique.

Attention : les levures sauvages qui sont logées dans le bois d’une barrique sont particulièrement difficiles à enlever, c’est pourquoi certaines bières barriquées seront involontairement « infectées » si le but n’était pas de les mettre en contact avec ces micro-organismes. Vous pourrez facilement identifier des bières infectées par les saveurs de levures sauvages et la sécheresse qu’elles apportent dans un style qui ne s’y prêterait pas. Un Stout impérial vieilli en fûts de bourbon qui aurait des saveurs de cuir, de cerises et qui ne serait presque pas sucré serait très probablement infecté par exemple.


Faire vieillir une bière barriquée?

Lorsque la bière est mise en marché, le brasseur considère habituellement que sa bière est prête à être consommée et qu’elle est à son meilleur. La bière ayant déjà subi un certain temps d’affinage avant la vente, elle pourrait par contre potentiellement perdurer dans le temps encore un certain moment. C’est encore plus vrai si les saveurs de la barrique sont très agressives. On pourra alors faire vieillir notre bière en bouteille quelques mois ou années, question qu’elle s’arrondisse et se raffine un peu selon nos préférences. Personnellement, et après de nombreux tests, je ne conseille jamais un vieillissement de plus de trois ans. Sauf exceptions (comme les lambics par exemple), très rares sont les bières qui se bonifient vraiment après deux ou trois ans.


Le prix

Évidemment, il faudra débourser un peu plus pour ce genre de bouteille. La période d’affinage en barriques, qui prend du temps et de l’espace dans la brasserie, a un prix. Comptons-nous tout de même chanceux que les bouteilles de bières les plus dispendieuses soient toujours à des années lumières du prix des grands vins, whiskys ou cognacs par exemple!  


La dégustation


Solstice d’hiver bourbon – Vin d’orge barriqué – 10,2% – Dieu du Ciel! (St-Jérôme)

La Solstice d’hiver est un classique de Dieu du Ciel! qui revient pratiquement à tous les mois de décembre, mais sa version affinée en barriques de bourbon est à mon avis encore plus sublime! C’est rond, c’est liquoreux. Le bourbon complémente à merveille les notes de fruits foncés avec des accents plus vanillés, boisés et chaleureux. Vous pourrez la retrouver dans une caisse de 4 bouteilles sortie tout récemment, accompagnée de la Rigor Mortis Porto (une Quadruple belge vieillie en fûts de porto).


Blanche du Prospecteur barriquée 2021 – Assemblage barriquée – 5,9% – Le Prospecteur (Val d’Or)

Cette bière est dans les faits une bière de blé (une « blanche ») que les brasseurs ont soigneusement fait vieillir en barriques de cabernet sauvignon, puis qu’ils ont assemblée à la même bière, mais cette fois affinée en fûts de sauvignon blanc. Il en résulte une bière fruitée (qui rappelle le citron, la poire, l’orange…), vineuse, boisée, un peu funky et légèrement acide. C’est un style de bière qui se prête rarement à l’exercice de l’affinage en barrique et avec surprise, ça fonctionne!


Assemblage 15e anniversaire – Assemblage barriqué – 10% – Hopfenstark (Lavaltrie)

Cette bière du 15e anniversaire de la microbrasserie Hopfenstark est en fait un assemblage entre leur Stout impérial (vieilli 5 ans en fûts de bourbon… oui oui 5 ans), leur Stout impérial (non vieilli) et leur vin d’orge. C’est un peu madérisé (notes de fruits secs comme la prune et la datte) et bien caramélisé. La partie de la bière qui a séjourné en barriques de bourbon apporte aussi une légère rondeur vanillée et boisée. C’est le genre de bière que j’aime beaucoup boire en fin de soirée l’hiver!


Conclusion

C’est ce qui conclut ce dernier article que j’écris cette année pour Ars Media Qc! J’ai encore plusieurs idées à vous présenter pour l’année prochaine alors restez à l’affût (sans mauvais jeu de mots)!

Du côté de L’amateurdebière.com, surveillez la page Facebook dans les prochains jours, car nous sortirons comme à toutes les années notre top 5 des bières goûtées cette année et notre revue de l’année 2021. Santé et joyeux temps des Fêtes!

Image mise de l’avant : chai chez Allagash (Portland, Maine, États-Unis), 2018.
Simon Rioux