Fluisteraars, duo black metal atmosphérique néerlandais, nous présente cette année son quatrième album, un peu plus d’un an seulement après son effort précédent intitulé Bloem. Si ce dernier présentait un son plus travaillé et élaboré avec l’utilisation, notamment, de nombreux instruments non-traditionnels pour le black metal, Gegrepen Door De Geest Der Zielsontluiking («Pris par l’esprit de l’éveil de l’âme» en français), va quant à lui dans la direction inverse avec une approche beaucoup plus spontanée et minimaliste. Effectivement, si on en croit la promotion fournie par l’étiquette Eisenwald, l’opus de 3 pièces pour un peu plus d’une demie-heure de durée aurait été enregistré à raison d’un jour de studio par pièce, en créant une atmosphère sonore particulière à chaque pièce, en ne tolérant qu’une seule prise par instrument, sans l’utilisation de claviers ou d’autres artifices et en respectant l’acoustique particulière de l’endroit choisi pour l’enregistrement. Voyons si l’auto-imposition d’un tel code artistique aura porté fruit pour nos « chuchoteurs » des Pays-Bas.

Dès les premières notes de Het Overvleugelen Der Meute, l’amateur de black metal atmosphérique régulier ne sera pas dépaysé en découvrant que la formation ne s’éloigne pas trop des codes du genre : motifs cycliques de guitare, réverbération omniprésente, voix hurlées déclamées de Bob Mollema (chant et paroles) et passages ambiants quelque peu expérimentaux tout en restant dans une certaine retenue efficace. Si les superbes motifs de guitare de Mink Koops (guitare, basse, batterie), couplés à une belle utilisation des textures de batterie classiques du style confèrent un caractère épique à cette mise en bouche, les vocaux restent, pour la majeure partie de la pièce, accrochés fermement sans déroger à sa rythmique, ce qui leur donne un caractère un peu répétitif. Heureusement, ils évoluent vers une approche plus «dépressive» vers la fin, ce qui donne une variation bienvenue en l’occurrence. La première pièce se termine ensuite par un passage atmosphérique de tambours sur un fond sonore d’effets de guitare et de retours de son suscitant une ambiance à la fois glauque, onirique et psychédélique. On y remarquera aussitôt une qualité sonore impressionnante compte tenu de l’approche minimaliste et organique de la formation pour cet opus.

Brand Woedt In Mijn Graf se veut quand à elle une pièce toute en mélodies, en nuances et en mélancolie. Encore une fois, l’auditeur sera convié à un voyage spirituel par de superbes motifs mélodiques de guitare, une basse vrombissante qui sait parfois se détacher du reste, une batterie et des vocaux plus variés en textures que sur la première pièce. Cependant, la structure de la chanson reste similaire à celle de la première : après un premier passage mélodique ravageur, un passage au tempo moyen plus épique, l’ensemble s’achève encore dans un passage très ambiant où se combinent cloches tubulaires, carillons et retours de son. Le duo nous montre donc qu’il a encore des choses à présenter tout en ne dérogeant pas trop à la formule qu’il semble avoir choisi pour cet opus.

Ce sera donc Verscheuring In De Schemering avec sa longueur de plus de 20 minutes qui viendra briser le moule et donner tout son sens à l’album. S’amorçant sur une introduction mélancolique, la pièce se dirige ensuite vers des contrées hypnotisantes avec des motifs rappelant la formation ukrainienne Drudkh et le projet français Blut Aus Nord. C’est aussi au courant de cette chanson que le duo démontrera des influences alternatives qui lui donnent un léger côté «post» heureusement bien dosé et démontrera qu’il peut déroger à la formule établie des deux autres chansons avec des structures plus variées, mieux intégrées ensembles et des textures vocales aussi plus diverses. En somme, si le trois fait le mois, la troisième chanson fait l’album pour Fluisteraars. En effet, même si les deux premières pièces présentent un black metal atmosphérique de qualité, c’est vraiment la troisième qui démontre tout le potentiel du duo en allant même chercher un petit côté de leur compatriotes de Urfaust

En conclusion, sans nécessairement surprendre ou révolutionner son genre de prédilection, Fluisteraars nous présente cette année un album d’un minimalisme et d’une organicité efficaces qui saura ravir l’intérêt des amateurs de black metal atmosphérique. Toutefois, j’aurais apprécié que les deux membres se donnent un peu plus de liberté dans les structures et l’exploration musicale des frontières de leur genre, mais il n’en demeure pas moins que Gegrepen Door De Geest Der Zielsontluiking rencontre son objectif de nous faire voyager intérieurement tout en restant économe sur les moyens.

https://fluisteraars.bandcamp.com/